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26/04/2015 | Chroniques

La longévité d’un lutteur. La suite.

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Bonjour, avant tout, je ne pensais pas vraiment faire une suite dès maintenant sur ma chronique de la semaine dernière, mais mon collègue Bertrand Hébert, m’a écrit pour me dire que j’aurais dû parler de mon expérience et donner des exemples concrets de comment j’ai pu gérer ma propre longévité dans la lutte. J’avoue hésiter à parler de ce que je fais, je ne veux pas être comme un de ces anciens joueurs dans le journal qui ramènent toujours tout à eux, comment c’était dans le temps et souvent, pour montrer que dans le temps, c’était meilleur. De un, ce n’est presque jamais vrai que dans le temps, c’était meilleur, les choses évoluent toujours. De deux, je n’ai pas lutté à la WWE, TNA ni ROH, alors je ne veux pas que les gens pensent que j’essaye d’impressionner qui que ce soit.

Mais Bertrand qui me connait très bien, il fut le premier scripteur pour qui j’ai travaillé dans la lutte, me dit que ça l’intéresse. Alors si ça intéresse Bert, ça peut sûrement intéresser d’autres gens. Alors voici ma chronique uniquement portée sur moi-même.

Avant tout, si tu n’as pas lu ma chronique de la semaine dernière, vas-y, tu comprendras mieux mon propos. Dans mon cas, on parle de 18 années dans la lutte, sans jamais avoir manqué un gala pour cause de blessure. 6 années consécutives à la NCW (et on avait un gala chaque semaine dans ce temps là en plus que je luttais 1 dimanche par mois à Toronto pour la AWF) sans manquer un seul gala. Le premier gala que j’ai manqué fut quand je suis allé lutter au Japon. Ensuite le 2e gala que j’ai manqué fut en 2005 alors que je jouais au hockey semi-professionnel. Probablement pour ça que Bertrand est intéressé à ce que je parle de mon histoire. Surtout qu’il était là à mes début et qu’il ne sait probablement rien malgré tout à propos de ça.

Je parlais d’éviter les blessures ou de trouver une façon de travailler avec elles. Bien j’ai dû le faire très tôt. Avant la lutte je jouais au hockey à un certain niveau alors j’avais un peu d’expérience à reconnaître les maux et connaître mes limites. Dès mon 2e gala à vie, avec la NCW, un gala extérieur, avec un ring monté dans le sable, sur une souplesse du 3e câble, le coccyx frappe le ring en premier et le ring, monté dans le sable, n’encaisse pas le choc. Douleur intense qui restera au moins 3 ou 4 mois. J’étais nouveau, je voulais prouver que j’y avais ma place, alors fallait trouver comment continuer. Alors comme je pouvais tout faire et que ça ne limitait pas mes mouvements, que je n’avais qu’à endurer la douleur, j’ai juste changé ma façon de prendre les chutes. Un peu plus sur le haut du dos et mes pieds arrivaient une fraction de seconde plus tôt au sol pour me protéger. Le temps que mon coccyx guérisse.

Mais ceci emmena un autre trouble, sur un body slam, en protégeant mon coccyx, mon talon gauche tape le sol trop en avance et trop fort. Contusion au talon. Donc, là, encore, rien pour me limiter dans mes mouvement, seulement de la douleur. Alors on continue, on ne dit rien à personne. Je remplissais le fond de ma botte avec des éponges pour avoir du coussin et je protégeais mon coccyx et mon talon gauche en compensant avec mon pied droit. Mais comme je sais ce qui arrive quand on compense, j’avais prévu le coup, une semelle de gel dans ma botte droite pour aider, et j’ai aussi ajouté des supports à genou en néoprène par prévention aux chocs supplémentaires que mes genoux auraient.

Ensuite, tout guérit bien au fil du temps. J’avais un programme d’entraînement intensif, fallait prendre du poids. Être plus costaud aida, être plus résistant fait qu’on évite les blessures. À mes débuts, à 140 lb (64 kg) je n’encaissais pas les chocs de la même façon.

J’arrive à bien éviter les blessures et bobos mineurs jusqu’au moment d’aller au Japon. Nous avons été 4 de la AWF à avoir été sélectionnés par GAEA pour faire un très gros scénario là-bas. C’est tellement secret, qu’on apprend ce qu’on va faire là-bas, pour qui et comment que dans l’avion, comme dans James Bond. Bref, nous sommes bien traités, vol en première classe sans escale. Hôtel spacieux (ce qui est très rare à Tokyo) en plein centre-ville. Mais c’est rude, les visites chez les commanditaires, conférence de presse et surtout, 4 à 6h de lutte au dojo de la compagnie pendant 6 jours pour peaufiner le match. Tout doit être parfait. Après 3 jours, comme j’ai de la facilité avec le flow du match, Ron Hutchison (promoteur et entraineur de la AWF et seul membre du temple du Cauliflower Alley Club en tant qu’entraîneur), qui avait fait le voyage, ainsi que notre entraineur là-bas et membre de la direction de GAEA, me demandent si je peux être le capitaine du match et m’assurer de savoir toutes les séquences de tout le monde par cœur pour le grand soir. Pas de problème, mais plus tard dans la journée, lors de l’entraînement, je me casse le pied droit! Surtout le gros orteil. Au début je croyais à seulement un orteil foulé, mais la douleur augmente à chaque heure et pendant le souper je perds presque connaissance.

On décide de m’emmener à l’hôpital, mais faut attendre quelques heures avant de quitter, le médecin n’est pas là! Quoi???? Je me dis, vont-ils m’emmener dans un hôpital de brousse avec un sorcier? Finalement non, j’ai une aile de l’hôpital à moi seul, aile réservé aux athlètes professionnels avec LE médecin des sportifs. Le Docteur Mulder du Japon, celui qui opère Misawa, Kobashi et les joueurs de Baseball. Radiographies qui confirment la fracture. Mais une “belle” sur l’horizontal. Alors on me donne des anti-douleurs et donne des instructions au thérapeute de GAEA pour un bandage à faire pour le PPV (pay-per-view). Puis le médecin me prend à part, seul, et me dit qu’il est fier de me voir et qu’il sera au gala. Et me fait promettre de ne pas le dire à personne, de ne pas le montrer non plus et me donne une pilule, seule, dans un pot, et me dis dans le blanc des yeux : “Tu la prend 1h avant ton match, pas avant, pas après.”

Il reste 2 jours de pratique, je prends ça relaxe et ne fait que le positionnement dans le ring sans prendre de chute. Mais le bandage me restreint, je pousse de la jambe droite habituellement et là, je dois le faire de la gauche. Les anti-douleurs normaux ne sont pas si efficaces que ça et je passe les 3 dernières nuit au lit avec un sac de glace sur le pied à regarder la télé japonaise… ils sont fous ces japonais comme dirait Obélix.

Le grand soir arrive, un PPV c’est de l’organisation et rien, mais rien, n’est laissé au hasard. Comme mon pied ne va pas mieux et que je suis celui qui prend les plus grosses chutes, qui fait les saut de la 3e et sauts vers l’extérieur du ring, à 4, on planifie un plan B pour chacune des séquences.

Mon pied juste avant le gala.

Mon pied juste avant le gala.

L’adrénaline monte, 2h avant le combat, on me fait mon bandage au pied. Pas à l’aise du tout. 1h avant le combat, je prend la pilule secrète. Mais là, avec l’échauffement, l’adrénaline qui monte encore plus, et un peu (beaucoup) l’effet de la pilule, je me rends compte que je n’ai plus aucune douleur. Je saute sur mon pied droit et plus rien. Alors, j’enlève ma botte, retire le bandage sans le dire à personne. Je regarde mes 3 autres collègues et je leur dit : “Guys, F@#$* plan B.” c’est à dire, “Au diable le plan B”. Tout va super bien durant le match, la direction est fière de nous et tout. Ce fut magique après le gala, rencontrer les fans et tout. Le retour, le lendemain fût autre chose, une fois l’effet de l’anti-douleur parti, je voulais pleurer dans l’avion. Surtout que Ron, pensant prendre mon pied gauche, serra mon pied droit de toutes ses forces en disant “Comment ça va maintenant?”. Comme par magie, la NCW avait une pause de 2 ou 3 semaines à mon retour, alors je n’ai pas eu de gala à manquer.

GAEA-1

GAEA gala 8e Anniversaire. Plus de 10 000 spectateurs sur place.

GAEA-2

Je suis celui en rouge.

GAEA-3

Un de ces moments où l’on prie même sans être croyant.

 

Quelques années plus tard, lors d’un gala de la NCW, je me suis foulé la cheville. Ne pas avoir eu de bottes adéquates, je faisais certainement un Moises Alou de moi-même. La foule a eu une réaction de dégoût. Mais comme je sais que le tout n’enflera pas tant que je garde ma botte, je finis le combat. J’étais alors champion de la NCW alors il fallait continuer les semaines suivantes. J’étais un mauvais garnement dans le temps et j’avais un gérant, qui était un ancien lutteur, un très bon, alors je m’en servais. Au début des combats, dès que le héros me mettait dans le trouble, je distrayais l’arbitre et mon gérant montait dans le ring pour tricher mais il se faisait renverser et recevait la raclée pour bien faire paraître le gentil. Je revenais juste pour le casser et je pouvais le tenir au sol en trichant. Ainsi je dictais le rythme du match. Quand il revenait à lui et explosait, mon gérant venait m’aider pour prendre quelques chutes à ma place et on allait vers la fin ainsi.

Encore un peu plus tard, pour les enregistrements de la TOW à RDS-2, nous enregistrions les 4 épisodes le même soir. Bertrand était là comme scripteur et j’avais 3 combats à faire plus une apparition. Je trainais un nerf coincé dans le dos depuis 1 mois, ce qui causait de vives douleurs, mais ça n’affectait pas ma mobilité. Alors je n’ai rien dit à personne et je me suis dit que le pire qui pourrait arriver est que je prenne une pause de quelques semaines après.

Premier combat, contre Sylvain Grenier. Je souffre mais tout va bien, jusqu’à un surpassement par-dessus ses épaules (back drop). En tombant au sol, je ne sens plus mes jambes. Ça dure 1 seconde en vrai, mais dans ma tête, c’est une éternité. Par bonheur, c’est mon nerf qui a décoincé et j’ai été en parfaite condition pour de bon. Chanceux? Peut-être, mais je savais que ce n’était qu’un nerf et pas la colonne. Je disait qu’il était important de pouvoir connaître les rouages du corps humain.

Puis la dernière, encore lors d’un gala de la TOW, dans un combat triple menace, en entrant dans l’arène, je sens mon ischio-jambier gauche me lâcher sauvagement. Muscle que j’avais déchiré au hockey bien des années auparavant. Douleur vive, sueurs froides, j’étais certain que c’était la même chose. Ça m’avait pris 3 mois m’en remettre puis des années avant de retrouver ma force, alors j’étais convaincu que c’était mon dernier combat de lutte avant des mois. J’ai décidé alors de le dire aux gens dans le ring et de faire le match quand même. Que les choses ne pouvaient être pires. Mais avec aucune mobilité, j’ai dû faire les choses autrement. Habituellement, j’essaye toujours de créer de l’espace entre moi et mon adversaire après une prise pour créer plus de mouvement sur l’enchaînement. Ça crée du mouvement, donc de l’action, sans devoir tout précipiter et devoir en faire trop pour rien. Mais là, non, je coupais l’espace pour ne pas avoir à bouger pour rien. Quand je devais me faire projeter dans les câbles ou un coin, je me plaçais près de cet endroit pour devoir faire le moins de pas possible et pouvoir pivoter sur ma bonne jambe tout de suite. Le tout a bien été dans les circonstances. Dès le retour au vestiaire, j’ai cancellé mes matchs de hockey prévus pour les 2 prochaines semaines et planifie un rendez-vous avec un physiothérapeute.

Plus de peur que de mal finalement, pas de déchirure, juste les tendons du muscle qui ont coincé. Repos 2 jours et étirements spécifiques et je n’ai pas eu à manquer de gala de lutte par la suite. Mais j’ai été prudent, je me suis quand même procuré un support à genou plus solide pour tenir mon tendon. Aussi je mets maintenant des bas de compression pour soutenir mes mollets, pour ne pas qu’ils soit touchés si jamais ils ont à compenser. Par précaution et je joue maintenant au hockey avec un support à ischio-jambier, toujours par précaution. Il est important de se connaître et savoir ses limites. Mais aussi prévenir.

J’espère que ça t’a intéressé, sinon il y aura au moins Bert de satisfait de cette chronique. Si tu as des commentaires ou suggestions pour le futur, n’hésite pas à me contacter. La semaine prochaine, je vais vraiment essayer de ne pas parler de moi.

 

AJOUT du 23 Novembre 2015:

Voici le match au Japon. Enfin disponible sur Youtube.

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