Suivez-nous sur Facebook
20/09/2023 | Chroniques

Démêler le nombre de personnes à All In, pas une mince tâche

LIRE L'ARTICLE PRÉCÉDENT
Le Québec, bien représenté dans le PWI 500
LIRE L'ARTICLE SUIVANT
Lutte Académie et Jacques Rougeau dans une controverse sur l’équité salariale

AEW All In 08272023

Pat Laprade

Pat Laprade

72 265

81 035

83 131

Ces trois nombres représentent l’assistance d’AEW All In au stade Wembley de Londres.

Comment peut-on avoir trois données aussi différentes?

L’affaire n’est pas simple.

En ordre, on a le nombre de billets numérisés (scannés à la porte), le nombre de billets vendus et le nombre de billets distribués (vendus et donnés).

Pour certains, ces nombres et les débats les entourant ne sont pas importants. Pour d’autres, comme moi, qui adore lire et comprendre la business derrière les matchs et les scénarios, c’est passionnant à suivre.

Passionnant, mais compliqué.

J’ai donc parlé à Brandon Thurston de Wrestlenomics, à Bill de WrestleTix, à l’expert en business et marketing sportif Ray Lalonde et j’ai lu et écouté Dave Meltzer du Wrestling Observer.

Je suis donc en mesure d’essayer de démêler tout ça pour vous.

Billets vendus
Commençons avec le nombre de billets vendus.

C’est le plus simple parce que c’est le seul, pour l’instant, qu’on ne peut vérifier.

AEW a affirmé qu’il y avait 81 035 billets vendus. Pour l’instant, il faut prendre cela comme étant la vérité.

La publication Pollstar, membre de l’Associated Press, est la source la plus crédible en ce qui a trait aux assistances pour les concerts dans l’industrie de la musique. Elle obtient les assistances par l’entremise de vérifications faites auprès des amphithéâtres, ainsi que de Ticketmaster. Dernièrement, elle a aussi commencé à divulguer les assistances de certains spectacles de lutte.

Le hic? C’est que le tout n’est divulgué que des semaines ou des mois plus tard.

Et puisque Tony Khan sait que tôt ou tard, le vrai nombre de billets vendus sera publié, ce serait donc casse-cou de sa part de sortir un nombre de billets vendus exagéré. Alors, pour l’instant, rien ne peut nous en faire douter.

Billets distribués
Le compte X et Patreon, WrestleTix, fait un travail exceptionnel en ce qui a trait aux assistances dans le monde de la lutte professionnelle.

Afin de déterminer la crédibilité à donner au compte, il faut d’abord savoir que Bill, le propriétaire de WrestleTix, utilise un programme informatique pour lire les plans de salles des différents amphithéâtres. Il ne compte pas ça à la main! Mais le processus ne s’arrête pas là.

« D’abord et avant tout, j’obtiens le nombre de sièges de chaque section de la carte, me dit Bill. Ensuite, je détermine quelles sections ont été ouvertes. Une fois que je sais cela, j’ai mon chiffre “Configuration / Capacité actuelle”. C’est une estimation, mais très instruite après des années de pratique. Je déduis ensuite le nombre de billets disponibles de la configuration pour obtenir le nombre de billets distribués. »

Le défi dans le fond est de comprendre le plan et de déterminer quelles sections la compagnie bloque pour sa production. Par exemple, les sections derrière l’écran géant à Raw.

Basé sur son expertise, Bill a calculé qu’il y avait 83 131 billets distribués. Quand on parle de billets distribués, on parle en fait de billets vendus ou donnés, parce que via un plan de salle, on ne peut savoir la différence entre les deux.

Il s’agit de l’assistance la plus populaire. La plupart du temps, lorsque vous lisez sur un spectacle et qu’on vous donne l’assistance, c’est celle qui est partagée.

Cela voudrait aussi dire qu’il y aurait eu 2 096 billets donnés, ce qui n’est pas du tout un nombre exagéré.

Billets « scannés »
Bien sûr, avec un plan de salle, on ne peut savoir si les gens qui ont acheté un billet ou qui ont reçu un billet se présentent ou pas au stade.

C’est là que les billets numérisés entrent en ligne de compte. Auparavant, on utilisait le nombre de personnes qui franchissait les tourniquets. Mais en 2023, il y a de moins en moins de tourniquets dans les arénas et les stades.

À la suite d’une demande faite au conseil d’arrondissement où est situé le stade Wembley à Londres, en lien avec la loi à l’accès de l’information, le site Wrestlenomics a reçu le nombre de billets numérisés, que le stade doit partager avec la ville pour des raisons de sécurité.

C’est de cette demande que le plus récent nombre, 72 265, provient. Ce qui voudrait dire 8 770 personnes de moins que de billets vendus.

Cela peut paraître surprenant, n’est-ce pas?

Mais selon les informations obtenues par le propriétaire du site, Brandon Thurston, le tout serait normal.

« Wrestlenomics a été informé par une source qu’un événement typique de l’AEW a un nombre de billets numérisés qui est d’environ 80% à 90% du nombre de billets vendus ou distribués, me confirme Thurston. Dans ce cas, 72 265 représente 87 % des 83 131 (billets distribués estimés) et 89 % des 81 035 (billets vendus annoncés). »

En d’autres mots, 11% des gens qui ont acheté un billet n’y seraient pas allés et 13% des gens qui ont reçu un billet n’y seraient pas allés. Si on ajoute les loges corporatives (évaluées à un peu moins de 2000), on parle de 15% des gens ayant reçu un billet et qui n’auraient pas été présentes à l’événement.

Ce pourcentage fait écho chez Dave Meltzer. Ce dernier affirme également que la différence entre le nombre de billets numérisés et le nombre de billets distribués se situe entre 10 et 20% chez AEW, alors qu’il serait d’environ 8 ou 9% pour la WWE.

Pourtant, Meltzer écrit que le Royal Rumble de janvier 2023 à San Antonio n’avait qu’une différence de 3,7% entre le nombre de billets vendus et le nombre de billets numérisés.

Un pourcentage de 10% et plus : inconcevable
Lorsque j’ai lu les différents articles sur le sujet, cette différence m’irritait vraiment. Je n’arrivais pas à comprendre comment 10 ou 15% des gens ayant reçu un billet décidaient de ne pas y aller.

Plusieurs raisons peuvent mener à ce qu’on appelle des « no shows ». Des gens ont acheté des billets, mais ont décidé de ne pas y aller ou ne pouvaient plus y aller pour une raison ou une autre. C’est davantage une réalité avec des billets donnés, parce que les gens n’ont pas la pression d’avoir déboursé et perdu de l’argent pour ces billets.

Évidemment, le marché secondaire est aussi responsable de ces « no shows ». Les revendeurs de billets achètent souvent une grande quantité de billets pour revendre par la suite. S’ils n’y arrivent pas, le billet sera comptabilisé comme vendu, mais personne ne l’aura soumis au lecteur de codes à barres dans le stade ou l’aréna.

Lorsque je me suis entretenu avec Ray Lalonde sur le sujet, ces chiffres l’ont surpris. Selon l’expérience de Lalonde, qui a longtemps travaillé pour le Canadien de Montréal et pour la NBA, la différence pour les sports professionnels en Amérique du Nord est plutôt de 3 à 5%. Ce qu’on voit d’ailleurs au Royal Rumble de cette année.

Mais là où Lalonde diffère encore plus avec ce qu’on rapporte pour AEW, c’est que les 3 à 5% de « no shows » sont pour une équipe de sport professionnel avec des détenteurs de billets de saison.

Pour un événement unique, un concert ou un spectacle de lutte, les « no shows » devraient être encore plus rares.

Je peux comprendre qu’un détenteur de billets de saison du Canadien va peut-être décider de ne pas aller à une partie en février contre une équipe de bas de classement s’il fait tempête. Le billet est tout de même considéré comme étant vendu, mais n’entrera pas dans les billets numérisés.

Mais lorsqu’on achète un billet pour aller voir Taylor Swift ou AEW au stade Wembley, il faut une sacrée bonne raison pour ne pas y aller!

Lalonde est catégorique. Il n’arrive pas à concevoir qu’une promotion de lutte ait une différence de 10 à 20% entre le nombre de billets vendus et le nombre de billets numérisés.

Trois conclusions possibles
Si je me fie aux explications de Lalonde – et que le nombre de billets vendus est le bon – il y a trois conclusions à tirer de tout ça.

1) La première voudrait qu’un très grand nombre de billets aient été achetés par des revendeurs qui n’ont pas réussi à s’en débarrasser.

2) La seconde voudrait qu’un grand nombre de billets ait été acheté par des gens qui n’avaient pas l’intention de s’y présenter. Mais cette théorie vient avec des accusations. Il faudrait que la compagnie elle-même ait acheté des billets ou fait acheter des billets par un tiers, question de vouloir mousser le nombre de billets payants et ainsi, annoncer un record. J’aimerais mieux croire que ce n’est pas le cas, mais je ne peux pas l’écarter à 100%.

3) La dernière serait que le nombre de billets numérisés soit erroné et que des milliers de personnes soient entrées dans le stade sans passer par un tourniquet ou sans avoir leur billet numérisé. Cette théorie vient avec une autre accusation : celle que les employés du stade sont incompétents ou qu’il y a de nombreuses brèches dans la sécurité des amphithéâtres et que n’importe qui peut y entrer. J’aimerais aussi mieux croire que ce n’est pas le cas.

La première conclusion, celle des billets achetés par les revendeurs me semble la plus logique.

Si la différence entre les billets distribués et numérisés est de 8 770 et qu’on prend seulement 3% de « no shows », cela voudrait dire qu’un total de 6 276 billets auraient été achetés par des revendeurs et n’auraient pas trouvé preneurs.

Est-ce que vous êtes maintenant moins mêlés? Non?

Ne vous en faites pas. Moi non plus!

RÉAGISSEZ CI-DESSOUS

commentaire(s)

test
LIRE L'ARTICLE PRÉCÉDENT
Le Québec, bien représenté dans le PWI 500
LIRE L'ARTICLE SUIVANT
Lutte Académie et Jacques Rougeau dans une controverse sur l’équité salariale