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03/05/2015 | Chroniques

Se démarquer

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Premièrement, je tiens à te dire merci. J’ai reçu plusieurs commentaires positifs sur les réseaux sociaux à propos de ma chronique dominicale. Surtout pour celle de la semaine passée. Humblement, je suis surpris des réactions.

Bon, j’ai le goût de parler de quelque chose qui touche peut-être plus les lutteurs, mais qui peut intéresser un fan comme toi aussi. Tu sais, c’est comme quand on boit un vin, tout le monde peut facilement dire qu’il préfère tel vin à un autre, mais peu peuvent dire pourquoi et en décortiquer les éléments. Mais dès que quelqu’un y arrive, il devient automatiquement un plus grand fan de vin. Bien je vois la lutte de la même façon. Plus il y aura de fans qui COMPRENDRONT ce qu’ils aiment ou pas, plus ils seront mordus de lutte. Plus il y aura de mordus, de connaisseurs (pas juste d’amateurs), plus les gens pourront expliquer leur engouement aux non-initiés, expliquer de façon structurée, précise et logique. C’est ainsi toute la lutte, ses participants et ses fans qui y gagneront une légitimité et une valorisation de la part des non-fans.

Avant de te dire de ce que je veux parler, je vais te donner un exemple concret, une histoire vraie en plus, de comment cette facette de la lutte et du travail entre les cordes, m’a sauté au visage.

Ça se passait peu après mes débuts, un gala extérieur avec un ring monté dans le sable encore, mais pas de blessure cette fois-ci. Devant une bonne foule, avec pleins de jeunes pré-adolescents. Je luttais contre un lutteur bien connu au Québec, lui aussi dans ses débuts, Franky The Mobster (ou Franky TM). Après le gala, des jeunes viennent nous demander des autographes. Mon adversaire n’est pas très loin, les jeunes sautent dessus en gang pour son autographe. Ensuite un se retourne vers moi:
Fan: Es-tu lutteur?
Moi: Oui.
Fan: As-tu lutté ce soir?
Moi: Oui, certain.
Fan: Contre qui?
Moi: Lui (pointant Franky)
Fan: Ha ouain??

Et il se retourne en doutant de mes dires, comme si je lui faisais une blague. Le pire, c’est que je crois que j’avais gagné ce match. C’est là que je me suis questionné, le gamin est en adoration devant Franky, qu’il a vu pour la première fois, il se souvient de lui au point de le harceler pour un autographe, mais moi, qui a partagé le même ring, pendant 15 à 20 minutes, qui a gagné le match, il ne se souvient même pas de m’avoir vu! On est 3 dans un ring et un des 3 est l’arbitre! Comment peut-il ne pas m’avoir vu?

Dur pour l’égo ça. Mais ce gamin, sans le savoir, est probablement une des personnes qui m’a le plus aidé dans la lutte. Fallait que j’apprenne à me démarquer! Exactement ce dont je veux te parler.

Franky TM de nos jours.

Franky TM de nos jours.

Chaque lutteur doit se dire en arrivant sur un gala, alors qu’il attache ses bottes: “Qu’est-ce qui fait que les fans vont se souvenir de moi?”. “Pourquoi payeraient-ils pour me voir?.

Si ta réponse est “parce que je suis bon”, tu es mort. De bons lutteurs il en pleut, surtout quand tu montes les échelons et que tu te rends dans les plus grosses ligues. Si c’est ta solution, assure-toi d’être vraiment 20 étages au-dessus de tout le monde. Mais n’est pas si bon qui veut. Steve Austin était très, mais très bon lutteur. Mais ce n’est pas ce qui en a fait une méga-star. Même qu’il a coupé une majeure partie de son arsenal de lutte pour son personnage, ce qui l’a propulsé aux plus hautes sphères de la célébrité. Chris Jericho aussi, regardez des matchs de “Lionheart” et des matchs de Y2J. Vous y verrez de quoi: Jericho, en faisant moins, dégage beaucoup plus. C’est ce qu’on dégage qui nous rend inoubliable.

Le diable est dans les détails, faut penser à tout. Comment jouer notre rôle, penser à sa démarche vers le ring, la cadence des pas, qu’elle suive notre musique d’entrée, une chorégraphie reconnaissable pour notre introduction. Comment allons-nous lancer le premier regard vers la foule, avec quelle attitude? Comment bouger lors du combat, quel style, est-ce que tout ce que je fais fait un tout homogène et attrayant, impressionnant? Quelles couleurs dois-je porter ce soir? Ça peut paraître banal, mais en tant que fan, je déteste voir 2 adversaires porter les mêmes couleurs. Ça manque de contraste. C’est une toute petite partie de ce qui nous rend inoubliable pour les fans, la liste est encore plus longue, mais tout ça, ça se joue AVANT MÊME le début du combat. Mais ça doit se poursuivre durant et APRÈS le combat. Comment vais-je sortir du ring après le combat? La réponse à chacune de ces questions est variable de gala en gala. Ça dépend toujours du contexte, de l’adversaire, du script et de la réaction des fans alors que ça se produit. C’est avec essais et erreurs qu’on finit par trouver. Il y a bien sûr les naturels, ceux qui y arrivent sans même s’en rendre compte, mais ils sont trop rares, même dans les grandes ligues.

Pour en revenir à mon exemple, j’y ai travaillé, j’ai essayé et je me suis trompé des fois. J’ai eu très souvent l’occasion de recroiser Franky TM et toujours je me disais “Que vais-je faire pour ne pas me faire enterrer vivant?”. La réponse n’est jamais de vouloir faire comme lui ou de jouer son jeu, il faut juste attendre que la porte s’ouvre durant sa performance et y entrer et mettre son jeu sur la table et ne rien laisser de côté, tout donner. Ce fut ma réponse. Chaque soir que je mets mes bottes, j’y repense, je me dis encore “Pourquoi les gens doivent de souvenir de moi après et pourquoi ont-ils payé pour me voir?”. Tu vas me dire: “Oui mais tu y es depuis longtemps, les réguliers sur place te connaissent”. Vrai, mais il y a toujours une personne dans l’audience qui y est pour la première fois et il faut l’impressionner. C’est un conseil que Lance Storm nous avait donné, toujours faire comme si personne ne te connaissait, ça va t’obliger à toujours donner 100% et rester créatif.

En plus, faut connaître les fans, savoir leurs exigences, reconnaître leurs goûts. Ça change de ville en ville, de salle en salle et de promotion en promotion. Mais une chose est certaine, tu dois te vendre à 100% avant même que ça commence.

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