Nous sommes en 2001, peut-être même 2000. En plein tournage du Retour de la Momie, où The Rock interprète le rôle du Roi Scorpion, méchant unidimensionnel qui ne servira que d’excuse 1h55 plus tard pour offrir ce qui 15 ans après est encore considéré comme une des pires séquences d’effets spéciaux de l’histoire. Dommage parce que le Retour de la Momie était sinon un parfait film d’aventures!
Cependant, chez Universal, les producteurs visionnent les dailies (images tournées durant la journée pour se faire une idée du travail du réalisateur) et tombent sur ces séquences qui mettent en vedette le lutteur qui a obtenu le rôle, ce fameux « The Rock ». Ils sont immédiatement foudroyés par son charisme et sa présence dans le prélude! Pas besoin de savoir ce qu’il criss plus tard dans le film ou de savoir que son personnage est un traître au sang-froid ou narcissique, on veut un autre film avec lui… tout de suite! On offre donc à The Rock, alors en plein tournage, un spin-off de son personnage, film entièrement basé sur la vie du Roi Scorpion, que l’on va prénommer Mathayus pour le rendre plus sympathique.
On dépense donc beaucoup d’argent sur cette potentielle tête d’affiche de films d’action grand public comme s’il était un gisement de pétrole fraîchement découvert. On pense qu’il pourrait même remplacer les Schwarzenegger, Stallone, Van Damme et Willis qui ne sont malheureusement plus dans la course ces années-là, avec des films de qualité inférieure qui ne font plus courir les foules comme avant. Une partie du marketing de Mummy’s Return est donc basé sur le rôle du Rock, ce qui va nuire au film en décevant les spectateurs qu’on ne le voit pas plus de 5 minutes, qu’au début du film. Pièce à conviction “A”, cette bande-annonce malhonnête:
Ouais! Assez clair hein? Je pense que…
Je me rappelle d’avoir assisté à la première, premier film en salle que je voyais volontairement en anglais (pas facile quand tu restes à Pointe-Calumet!) pour ne rien rater de la présence de mon idole de la WWF (on est en 2001) comme méchant. Autant vous dire qu’on a ri de moi pour avoir été dépenser pour The Rock pour 5 minutes de temps d’écran. Cependant, j’étais une preuve plus que concrète, et dans la bonne démographie, que les cravateux d’Universal avaient raison! The Rock venait de fracasser la porte d’entrée d’Hollywood!
Là maintenant, faut faire un véhicule pour inventer l’identité cinématographique de Dwayne Johnson avec le Roi Scorpion, car le grand public ne le connait pas assez. Il faut que le film soit vu par tout le monde sur la planète et que personne ne le déteste. On va donc faire un film que j’appelle “peinture à numéro”, c’est-à-dire tellement simple et revu que les cinéphiles ne pourront se consacrer que sur une chose, celle qu’on veut, The Rock. Juste The Rock. On va donc se chercher pour aider ce blanc américain un noir cool américain (Michael Clarke Duncan), un méchant d’Angleterre (Steven Brand) et une méchante asiatique/américaine qui deviendra gentille tellement The Rock est parfait, que l’on fera jouer par une jeune actrice de qui on partira également la carrière en lui faisant montrer 95% de son corps parfait (la magnifique Kelly Hu – qui déjà servi de victime à Jason Vorhees, de là mon déjà-vu en la voyant). Ajoutez un comic relief idiot à la Jar Jar Binks avec un drôle d’accent, genre indien, et voici une distribution internationale pour charmer les foules.
Oubliez le Roi Scorpion de la Momie 2 qui fait un pacte avec Anubis pour torturer et anéantir ses ennemis à la manière d’un barbare avec une armée de morts-vivants… non… ça ne se passera jamais. Maintenant, Mathayus est un valeureux guerrier qui voit sa famille se faire assassiner devant lui par un traître sanguinaire (c’est pratiquement le Roi Scorpion de la Momie 2) qui se fait aider par une sorcière qui voit l’avenir. Il jurera donc de venger les siens en tuant Memnon. Mathayus, qui devait aussi tuer la sorcière qui s’appelle Cassandra (tsé un nom de danseuse en 3000 av J-C, question de nous titiller le ptit spectateur), va plutôt la « sauver » et partir du territoire ennemi avec, d’où il pourra la remettre du bon bord à grands coups de bassin sur un chameau, faisant un peu chier le méchant et faisant perdre ses pouvoirs maléfiques à la sorcière après sa défloration. Il va s’en servir pour retourner d’où il est parti, avec de nouveaux alliés du clan barbare de Balthazar, qui n’avaient pas pris de position, pour détrôner Memnon. Sans le chameau, ça ressemble pas mal… pas mal parfaitement, au scénario du premier James Bond avec Roger Moore, Live and Let Die. Encore un film où il fallait vendre un potentiel acteur payant plutôt qu’un scénario. Remplacez Paul McCartney par Godsmack et c’est pareil!
Vous allez surement vous dire que je parle comme je n’aimais pas le film. C’est pourtant tout faux. Le film a une fonction, c’est de nous insérer The Rock dans la gorge, nous montrer ce qu’il sait faire. Pour ça, le film est excellent! C’est un film d’action incroyablement sécuritaire, mais maîtrisé dans ce qu’il nous montre, et c’est correct, je ne m’attendais à rien d’autre. Ok, une centaine de personnes se font découper à l’épée ou transpercer aux flèches dans Scorpion King et on ne voit pas une seule goutte de sang du film… ok… on voit environ 3 douzaines de filles nues dans un harem où Kelly Hu prendre son bain, sans jamais montrer une seule partie interdite… ok… c’est correct. C’est sécuritaire, tu peux en profiter si tu as 7 ans au Québec, 35 ans au Mexique, 50 ans en Chine ou 77 ans en Inde… On n’insulte personne. C’est exactement comme Guardians of the Galaxy, sécuritaire et facile comme une peinture à numéro, rien qui va nous sortir de notre zone de confort. Les gens derrière Scorpion King eux, ne nous volent que 91 minutes contrairement aux Guardians… donc respect ici! C’est meilleur que San Andreas en passant. Vraiment meilleur. Promis!
Encore un gros exemple comme je vous parlais avec le mercantilisme de Rocky III de croissance économique pour ceux qui gravitent autour du projet. Comme de fait, Dwayne n’a jamais freiné depuis, faisant faire plusieurs milliards aux box-offices à ses films avec aucun signe que c’est sur le point d’arrêter. Il est en ce moment LA vedette MONDIALE des films d’actions, ce qu’Errol Flynn, John Wayne, Bruce Lee, Steve McQueen, Schwarzie, Stallone, Willis et Statham ont été chacun leur tour. Drôle de parallèle d’ailleurs, car comme Schwarzenegger qui avait commencé dans un domaine où son physique était son gagne-pain, le body-building, avant de gagner Hollywood avec un film de barbares (Conan, 1982), Rock passe de la lutte à un film de barbares comme porte d’entrée 20 ans plus tard. La WWE a maximisé son pari avec lui et profite de chaque seconde de sa popularité, McMahon étant même crédité comme producteur exécutif du film! Bien entendu, le succès du film a permis des suites… mouais… dont on va reparler dans le futur.
Grosse chronique pour aujourd’hui! On se repose. La semaine prochaine, Filmomania 28 est encore un multiple du 7 malchanceux, ce qui veut dire que je vous présente un nouveau film à éviter à tout prix…