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30/04/2015 | Chroniques

Verne Gagne, l’un des meilleurs de tous les temps!

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Pat Laprade

Pat Laprade

Lundi soir, après plusieurs années à combattre cette terrible maladie qu’est la démence, l’ancien lutteur et promoteur Verne Gagne a perdu son dernier combat à l’âge de 89 ans.

Pour ceux qui ont connu Verne Gagne dans les années 80, à l’époque où Rick Martel était champion de l’AWA, il est peut-être difficile d’imaginer qu’à un moment donné dans sa carrière, Gagne était l’un des athlètes les plus populaires en Amérique. Pas juste un des lutteurs les plus populaires, mais bien l’un des athlètes, toute catégorie.

Né Laverne Clarence Gagne à Robbinsdale dans l’état du Minnesota, le 26 février 1926, il était un excellent joueur de football universitaire en plus d’avoir remporté le championnat de lutte amateur NCAA à deux reprises à une époque où la plupart des lutteurs professionnels avaient une solide base en lutte amateur. En 1948, il fit partie de l’équipe alternative des États-Unis en lutte, ne prenant finalement part à aucun combat malgré son statut de deuxième meilleur lutteur au monde dans sa catégorie (191 livres). À l’époque, un seul représentant par pays par catégorie était choisi et il s’était fait battre par un de ses compatriotes dans les qualifications. Ce sont à ces mêmes Olympiques qu’il rencontra une jeune Maurice Vachon pour la première fois.

Puis l’appel de la lutte professionnelle, drôlement plus payante qu’une participation aux Olympiques ou même que de jouer professionnellement au football, se fait sentir et Gagne fit ses débuts professionnels en 1949.

Il devint rapidement un lutteur populaire et aimé des fans, aidé par l’arrivée de la télévision sur le Dumont Network de Chicago, le premier réseau de télévision diffusé à travers le pays. Il devient l’un des athlètes les mieux payés aux États-Unis et avec Gorgeous George et Argentina Rocca, l’un des lutteurs les plus connus en Amérique. Pour faire un parallèle, ces trois légendes étaient probablement plus connues par les non-amateurs de lutte à leur époque que Steve Austin l’a été dans la sienne.

Un jeune Verne Gagne

Un jeune Verne Gagne

Plus populaire que le champion de la NWA
Suite à une dispute entre le promoteur de Chicago, Fred Kohler, et la National Wrestling Alliance, Kohler décida de créer son propre titre, le titre US ou également appelé le titre United States TV, étant donné que les amateurs voyaient le champion régulièrement à la télé. La popularité de Gagne était telle que Kohler décida d’en faire son premier champion. Gagne défendit le titre de la même façon que le champion de la NWA, Lou Thesz, défendait le sien, soit à la grandeur des États-Unis, les promoteurs ayant à payer une cote à Kohler et Gagne afin d’obtenir les services du champion. La grande différence entre les deux champions est que Kohler contrôlait la télé, or Gagne était à ce moment-là régulièrement à la télévision, ce qui en faisait une plus grande vedette que le champion de la NWA. L’une de ses plus grandes rivalités dans les années 50 fut contre un Québécois, Hans Schmidt (Guy Larose), alors qu’on jouait la dynamique du vilain Allemand contre l’Américain patriotique à un moment où les souvenirs de la Deuxième Guerre mondiale n’étaient pas tellement loin derrière.

Cependant, puisque ce championnat était planifié en marge de la NWA et que les têtes dirigeantes de l’Alliance le voyaient comme une compétition à leur propre titre, c’est Gagne qui écopa et ils ne l’ont jamais considéré pour le titre le plus prestigieux du temps. On lui préféra pourtant d’autres anciens lutteurs amateurs tels que Dick Hutton (qui a subi sa seule défaite amateur face à Gagne) et Pat O’Connor, deux lutteurs qui avaient eux aussi participé aux Olympiques de 1948.

L'AWA fut fondée par Verne Gagne

L’AWA fut fondée par Verne Gagne

Se considérant boudé par la NWA Gagne décida de quitter l’organisation et de voler de ses propres ailes. En 1960, il achète les parts de Tony Stecher dans le Minneapolis Boxing and Wrestling Club, en partie propriété du promoteur Wally Karbo. Cette promotion deviendra l’AWA et fera ultimement compétition à la NWA. Gagne somma le champion d’alors, O’Connor, d’y venir défendre son titre dans les prochains 90 jours, prétextant qu’il est l’aspirant numéro un et qu’il n’avait pas eu une chance au titre depuis longtemps. Dans les faits, c’était un défi futile alors que Gagne ne voulait pas que O’Connor défende son titre, mais tenait plutôt à donner une raison légitime à son futur championnat d’exister. Gagne devint donc finalement « champion du monde » et le premier champion de l’AWA.

Si plusieurs ont critiqué Gagne d’avoir acheté un territoire afin de s’autoproclamer champion et de s’être accordé le titre à maintes reprises, il n’en demeure pas moins qu’il était populaire dans son territoire et aurait certes mérité le titre de champion à plusieurs reprises même s’il n’en avait pas été le patron.

Comme promoteur, il permit à plusieurs talents de se faire connaître et de devenir des vedettes dans ce sport-spectacle. À son sommet, l’AWA était une très forte opposition au monopole qu’avait créé la NWA. L’AWA permettra à des lutteurs tels que Mad Dog Vachon, The Crusher, Dick The Bruiser, Larry Hennig, Harley Race, Nick Bockwinkel et Hulk Hogan d’avoir une carrière de renom. Il permettra aussi à des villes comme Winnipeg, Milwaukee, Chicago et bien entendu Minneapolis d’avoir des souvenirs légendaires.

Verne et Maurice alors champions par équipe de l'AWA  crédit: George Schire

Verne et Maurice alors champions par équipe de l’AWA crédit: George Schire

C’est d’ailleurs face à Verne que Mad Dog Vachon remporta son premier titre de l’AWA à Omaha et par la suite, la version officielle du titre, reconnue par l’AWA sur son émission de télévision. Verne face à Maurice sera une rivalité de tous les instants dans les années 60. Et comme toute bonne rivalité, les deux feront équipe plus tard dans leur carrière, alors qu’encore au début des années 80, ils arrivaient à attirer de bonnes foules grâce à leur statut de légende.

Le créateur de la Hulkamania !

En plus d’avoir permis à plusieurs lutteurs de connaître une glorieuse carrière, dans les années 70, avec Billy Robinson, l’école de lutte de Verne permit à plusieurs jeunes de débuter sans le milieu. On pense notamment à Ric Flair, Ricky Steamboat, The Iron Sheik, Sgt. Slaughter, Ken Patera, ainsi que son propre fils, Greg.

Il sera également à jamais lié avec Hulk Hogan.

Après être arrivé dans le territoire comme heel, Gagne réalisa rapidement que les amateurs aimaient Hogan et le tourna babyface. C’est Gagne qui améliora les entrevues de Hogan, c’est lui qui lui dit de vendre jusqu’au moment de faire son retour, ce qu’on appelle maintenant le « Hulk-up » et c’est aussi à l’AWA que le terme Hulkamania fut créé. Pa contre, Gagne sera aussi reconnu à jamais par les amateurs pour avoir mal géré la nouvelle célébrité entourant celui qui devait être sa nouvelle vedette en ne le faisant pas battre Bockwinkel pour le titre. Ironiquement, il donnait à Hogan le même traitement qu’il avait eu 20 ans plus tôt. Il pousse même la chose jusqu’à faire un « Dusty finish », faisant croire aux amateurs qu’Hogan avait gagné le titre pour ensuite faire changer la décision, ce qui laissa les partisans pantois.

Hulk Hogan avec le titre de l'AWA, qu'il ne gagnera jamais

Hulk Hogan avec le titre de l’AWA, qu’il ne gagnera jamais

Il est faux de dire que c’est à cause de cette situation qu’Hogan quitta pour la WWF, car ce serait arrivé tôt ou tard, mais clairement McMahon voyait en Hulk quelque chose que Gagne n’arrivait pas à voir ou ne voulait pas voir immédiatement. C’est le même Gagne qui garda le titre de l’AWA pendant sept ans, alors qu’il était dans la quarantaine.

Pour toutes ces raisons, il fut autant aimé que détesté par ses pairs. Il ne laissait personne indifférent. Certains disent même qu’il était la personne la plus détestée dans l’industrie au début des années 80.

« Effectivement. Les gens l’aimaient ou le détestaient, confirme l’ancien champion de l’AWA Rick Martel lorsque contacté par Lutte.Québec. Mais il a toujours été correct avec moi. Il me traitait bien. »

L’ancien lutteur et agent René Goulet en ajoute :

« Je l’aimais bien. Mais beaucoup de l’aimaient pas. Malgré tout, les gars le respectaient lorsque je travaillais pour lui parce qu’ils savaient que Verne savait ce qu’il faisait. »

Malgré la popularité mitigé de Gagne auprès de ses pairs, le territoire était l’un des plus prisés par les lutteurs.

« Verne était l’un des promoteurs qui payaient le mieux, surtout pour la quantité de dates qu’on faisait. C’était une cédule assez légère comparativement à d’autres territoires. Alors plusieurs gars voulaient y travailler », explique Martel.

L’arrivée de Vince, la fin pour Verne
Gagne était reconnu comme old-school et ayant de la difficulté à évoluer avec son époque.

Lorsque McMahon mis sur pied son programme d’invasion, l’AWA fut grandement affecté. Probablement plus que Mid-South, Stampede et Montréal. Vince rasa le territoire en allant chercher en plus d’Hogan, les Pat Patterson, Rene Goulet, Bobby Heenan, Ken Patera, Jesse Ventura, Gene Okerlund, tous des éléments importants à différents niveaux, mais en allant également chercher plusieurs membres du personnel technique. À la blague, on racontait alors que Vince avait même fait une offre au concierge de l’AWA! Même Mad Dog Vachon a quitté pour les dollars plus verts de New York, lui qui était par contre en fin de carrière.

« Il voulait avoir le contrôle sur tout, raconte Martel. Il faisait de la micro-gérance alors il manquait le portait global. Alors lorsque la WWF a commencé son invasion, il n’a pas su s’adapter. »

Gagne a longtemps tenu tête à Vince, s’efforçant de créer de nouvelles vedettes tels que Scott Hall, Curt Hennig et les Rockers, Shawn Michaels et Marty Jannetty, qui ont tous ultimement quitté pour la WWF de l’époque. En 1990 il n’y avait cependant plus d’issue : l’AWA tirait sa révérence.

Et comme plusieurs promoteurs que McMahon a conquis dans les années 80, quelques 20 ans plus tard, en 2006, Gagne accepta de vendre sa collection d’archives en échange d’une intronisation au temple de la renommée de l’empire McMahon, un choix indiscutable, alors que Gagne fait partie de tous les temples importants.

Vince et Verne dans des moments plus heureux!

Vince et Verne dans des moments plus heureux!

Peu de temps après, Gagne commença à souffrir de démence, à un point tel qu’il a tué un homme âgé de 97 ans en le projetant au sol dans un centre pour personnes âgées. L’homme se brisa la hanche et décéda de ses blessures quelques jours plus tard. Gagne et l’homme en question n’en avait aucun souvenir et il ne fut pas accusé.

Le sauveur de Lutte Grand Prix!
Verne Gagne n’a pas eu une grande carrière à Montréal, mais il fut tout de même champion tel que reconnu par la commission athlétique de Montréal à une reprise. La victoire fut d’autant plus surprenante que Gagne remporta le titre à son tout premier combat à Montréal. Effectivement, le 25 février 1953, il battit Killer Kowalski au Forum. Mais sa popularité si forte aux États-Unis ne traversa jamais la frontière et en mai de la même année, Kowalski reprit son titre.

En 1971, il a grandement aidé les Vachon, qui avaient été champions par équipe pour lui et l’une des plus grosses attractions dans le monde de la lutte en 1969 et 1970, lorsque ceux-ci ont embarqué dans l’aventure de Lutte Grand Prix. En plus de participer à quelques galas, Gagne a été primordial dans le succès de Grand Prix. Quelques semaines après les débuts de la compagnie, reconnue pour toujours avoir eu plus de chefs que d’indiens, l’un des actionnaires, l’avocat Michel Awada, avait demandé à Gagne qui de Maurice ou Carpentier devrait être le promoteur. La compagnie était alors endetté de plusieurs milliers de dollars et on tentait de trouvait une solution à l’interne. Gagne avait répondu que ni l’un ni l’autre devrait l’être étant donné leur popularité. À l’époque, le promoteur ne pouvait lutter à Montréal. Awada suggéra alors Paul Vachon, ce à quoi Gagne répondit que Paul n’était même pas un actionnaire. Il ajouta que pour connaître du succès, il leur fallait trois choses : d’avoir une émission de télévision, d’avoir des dates au plus important amphithéâtre de la ville, le Forum, et que pour ce faire, ils auraient besoin d’un permis de promoteur. Trois choses que Grand Prix n’avait pas encore. Comme le raconte Paul dans son livre When Wrestling Was Real III, The Grand Prix Days, visiblement offusqué, Gagne s’était alors retourné vers Maurice pour lui dire : « Je ne peux pas croire que vous ayez quitté Minneapolis – que vous nous ayez laissé dans la merde – pour aller à un endroit qui n’ont même pas les principes de base. »

Quelques temps plus tard, Paul acheta les parts du promoteur Gerry Legault, fut nommé promoteur et alla chercher les trois choses de base que Gagne avait suggérées, ce qui ultimement fit de Grand Prix la promotion numéro un en ville pendant une courte période de temps et qui donna au territoire l’un de ses plus importants âges d’or. Paul a toujours dit que sans l’intervention de Gagne, Grand Prix était voué à l’échec.

« J’étais ami avec Verne, mais jamais comme mon frère Maurice, raconte Paul Vachon. Lui il était vraiment un proche de Verne. Croyez-le ou non, ma plus longue conversation avec lui fut en 2004 à Amsterdam. Il ne savait même pas que j’avais déjà lutté amateur! »

Puis une décennie plus tard, dans les années 1980, Gagne et le promoteur de Lutte Internationale, Gino Brito, s’échangèrent quelques talents, une entente de bons procédés sans plus.

« C’est surtout Dino (Bravo) qui s’occupait de gérer ça avec Verne, se souvient Brito. J’ai tout de même beaucoup de respect pour lui, mais nous n’avons jamais été proches. »

Gagne avait aussi été dans le coin de Martel dans son premier combat face à Dino Bravo en 1983 au Colisée de Québec.

Un fait intéressant est que Gagne avait des origines françaises et parlait la langue de Molière de temps à autre.

« Il aimait parler en français de temps en temps, se souvient Goulet. Quand on allait à l’office, il en profitait pour sortir son français! »

Au mariage de Martel
Gagne était selon toute vraisemblance le deuxième lutteur le plus âgé encore vivant, derrière l’ancienne lutteuse Cora Combs. Il sera reconnu pour avoir été l’un des meilleurs lutteurs de tous les temps et l’un des promoteurs les plus importants et les plus influents du monde de la lutte.

Malgré une fin de vie peu envieuse, Paul Vachon voit le décès de son ancien patron d’un autre œil.

« Misère, même si lui et Maurice ont eu une fin de vie assez difficile, ils ont connu une carrière impressionnante, une vie trépidante et sont décédés à un âge très vénérable. »

Comme champion de l'AWA, Rick Martel faisait la une des magazines! crédit: PWI

Comme champion de l’AWA, Rick Martel faisait la une des magazines! crédit: PWI

Pour René Goulet, l’importance de Gagne est incommensurable.

« J’étais prêt à quitter la lutte. Maurice Vachon a appelé à Minneapolis et m’a vendu en disant que je ressemblais à Elvis Presley! J’avais dit à ma femme que si ça ne marchait pas là-bas, qu’on reviendrait au Québec et que je ferais autre chose. C’était en 1963 et je ne suis plus jamais retourné au Québec! Je ne pourrais jamais l’oublier. J’ai commencé ici (AWA). Il m’a donné ma première vraie chance. »

Pour Rick Martel, Gagne était plus qu’un patron. C’était un ami.

« Il est venu à mon mariage en juin 1984 au Château Frontenac. J’avais une très bonne relation avec lui. J’ai travaillé pour lui de nombreuses années. Son départ m’attriste », conclut-il.

Si vous avez des questions, des suggestions ou des commentaires, n’hésitez pas à communiquer avec moi au patric_laprade@lutte.quebec, sur ma page Facebook ou sur mon compte Twitter.

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