On m’a plus d’une fois reproché de parler contre Jacques Rougeau lorsque celui-ci réinventait son histoire ou l’histoire de la lutte en entrevue.
Je me suis souvent défendu en disant que si quelqu’un d’autre tenait des propos semblables, j’aurais le même discours et le même désir de vouloir corriger le tir publiquement.
Et bien, cette semaine, l’ancien lutteur Sunny War Cloud a fait un Jacques Rougeau de lui-même avec l’un des plus mauvais takes que j’ai entendu en 24 ans dans la lutte professionnelle.
Full disclosure, je connais Sunny depuis 20 ans et je m’entends bien avec lui. On se parle une dizaine de fois par année peut-être et quand ça adonne, on va prendre une bouchée ensemble à Québec.
Mais ça n’empêche pas que ce qu’il a dit dans sa dernière chronique n’a pas de maudit bon sens.
Voici les propos en question:
« Les combats mixtes c’est une thérapie pour l’homme. Le lutteur qui n’a pas de blonde peut avoir un 20 minutes dans le ring d’affection. Au moins, y a une fille qui lui parle, qui lui explique le combat. Pis après le combat, la fille le prend dans ses bras et le remercie. Pis le gars va dire qu’il s’est couché devant une fille et que ça lui fait du bien. Ça lui fait du bien alors ça lui fait une genre de thérapie. Ben calisse les gars, faites-vous des blondes tabarnack! »
Bon. Par où commencer?
D’entrée de jeu, je ne m’offusque pas pour un tout et un rien dans la vie. Mais y a quand même des limites.
L’an dernier, le match de l’année a été Zak Patterson contre Loue O’Farrell. Les deux se sont affrontés à quelques reprises. Zak est célibataire, dans la jeune vingtaine, il est musclé et parait bien. Il n’a aucunement besoin de lutter contre une femme pour avoir de l’attention de la gente féminine. Matt Falco, célibataire, a aussi lutté contre Loue et lui non plus n’a pas besoin de lutter contre des filles pour avoir leur attention.
Bref, la liste est longue et les exemples sont nombreux.
Des lutteuses escortes?
Ce que je trouve dérangeant de cette opinion, c’est qu’il fait passer les lutteuses pour ce qu’elles ne sont pas: un genre d’escortes, là pour combler un besoin primaire de l’homme qu’elles affrontent. Et les lutteurs, il les rabaisse au niveau d’un client abonné à une agence d’escortes. Et tout ça est déplorable.
À ce compte-là, est-ce qu’un lutteur gai cherche l’attention des hommes en luttant contre d’autres hommes?
Changeons de domaine et prenons un acteur par exemple. Il a une scène avec une femme dans laquelle il doit la consoler et la prendre dans ses bras. J’imagine qu’il est célibataire et qu’il est devenu acteur dans un but thérapeutique, question de passer du temps avec une femme?
Ça arrête où cette façon de penser?
C’est honnêtement l’une des pires opinions que j’ai entendues sur le sujet. Dites-moi que vous n’êtes pas à l’aise de voir un homme frapper une femme, même dans un contexte théâtral, et malgré que je ne serai pas d’accord avec vous, je peux comprendre cette ligne de pensée.
Mais de croire que les lutteurs masculins sont si pervers et désaxés qu’ils vont accepter de lutter contre des femmes dans un but d’assouvir certains besoins thérapeutiques, ça cache peut-être les propres désirs et motivations de la personne qui émet ces commentaires.
Et les lutteurs en couple, eux?
Je comprends que Sunny a grandi dans la business à une époque où les femmes n’étaient pas considérées et servaient davantage de chair après les spectacles. Mais ça ne fait pas des lutteuses actuelles des cobayes thérapeutiques.
Et surtout qu’il n’émet aucune opinion sur les hommes en couple qui luttent contre des femmes. Parce qu’il y en a aussi.
Michael Style, alors qu’il était en couple, a lutté dans la dernière année contre Azaelle et Kristara, les deux fois dans un show de la NSPW. Evil Uno a longtemps lutté contre des femmes et il a la même conjointe depuis longtemps. Encore une fois, la liste est longue et les exemples sont nombreux.
Avoir été l’animateur, je ne me serais pas gêné pour remettre Sunny à sa place et lui dire que c’est du gros n’importe quoi parce que ses propos sont autant irrespectueux pour les gars que pour les filles. J’ai de la difficulté à croire que les gens du Musée de la civilisation, là où la chronique a été tournée, sont contents d’entendre de tels propos.
Pourquoi de la lutte mixte?
La réalité derrière la lutte mixte est la suivante.
La première fois que j’ai vu un combat mixte c’était en 2001, à la FLQ, alors que LuFisto, alors Precious Lucy, affrontait uniquement de hommes. Il y avait très peu de lutteuses au Québec à l’époque et si elle voulait lutter, ça devait être contre des hommes. C’est encore le cas d’ailleurs pour bien des lutteuses, un peu partout au Canada et aux États-Unis. Si elles veulent s’améliorer et lutter plus souvent, elles doivent, à un moment donné affronter des hommes.
La lutte c’est du théâtre. Il y a des interactions physiques entre les personnages. Point final.
Pas assez controversé?
En toute transparence, Sunny parle en bien de la lutte féminine, que les lutteuses sont athlétiques et qu’il n’a aucun problème avec un match tout féminin. Ça n’excuse cependant pas le reste.
Il a aussi le droit à son opinion. Il a le droit de ne pas aimer la lutte mixte. Ce n’est pas pour lui. Ce n’est pas de son époque. Et c’est correct. Mais ça devrait s’arrêter là. Parce qu’en ce moment, l’opinion de Sunny sur la lutte mixte est aussi crédible que celle de mon commis de dépanneur sur Martin St-Louis.
Faisant suite à l’opinion de Sunny sur les combats mixtes, l’animateur Martin Caron poursuit en disant que le prochain sujet sera controversé. Je me dis « ben voyons, qu’est-ce qui peut être pire que ce que je viens d’entendre? »
La réponse?
« Est-ce que dans la ville de Québec, il peut y avoir plus d’une promotion de lutte? »
QUOI?
Ça c’est controversé? Mais faire passer les lutteuses pour des escortes et les lutteurs pour leurs clients, ça, c’est normal?
Ne comptez pas sur moi pour être un fidèle auditeur de ces chroniques. J’en ai assez entendu pour les 10 prochaines années.
Je t’aime bien mon Sunny, mais ici, tu l’as échappé, pis pas à peu près.
crédit photo: capture d’écran de l’entretien entre Martin Caron et Sunny War Cloud