*Avant de lire cette chronique, je vous invite à vous familiariser plus en profondeur sur le personnage entier qu’est notre lutteur de cette semaine, grâce au portrait tout en détails de ce cher Félix Bernier, qui nous le présente avant, pendant et après sa carrière mouvementée. Très bon texte sur l’homme.
Cette semaine, il y a un nouveau shérif en ville. Un shérif extraterrestre! Qui de mieux pour jouer les shérifs extraterrestres que celui qui ne semble répondre à aucune règle vestimentaire de notre monde et qui croit aux théories du complot qui n’ont aucune base de logique terrestre, que le flamboyant, la grande gueule, le charismatique annonceur, le Body lui-même, Jesse Ventura!
Jesse « The Body » Ventura a connu ses meilleures années dans le ring au début des années 80 avant que les blessures du passé ne le forcent à ralentir. Par succès, je déblatère librement, puisque j’ai rarement vu des matchs aussi plates que ceux de Jesse Ventura. J’invite mes lecteurs courageux et détracteurs à regarder au complet son match contre Tony Garea sur le WWE Network… mais vous êtes avertis. Une fois la carrière de lutteur relayée au passé, le Body meurtri a dû se trouver des nouvelles façons d’occuper son temps entre les moments à la table de commentaires avec Gorilla Monsoon, Tony Shiavone ou Vince McMahon. Il s’est dit qu’un gros bonhomme athlétique dans son genre qui sait s’exprimer et qui a une gueule salement charismatique pourrait probablement bien s’amuser à Hollywood. On l’a ainsi vu commencer à apparaitre à la télévision, puis au cinéma, dans des rôles de type caméo, près de sa zone de confort, comme dans le rôle d’annonceur de la WWF dans No Holds Barred. Mais il obtient bientôt des rôles secondaires, comme en 1987, dans le film Predator, où il attire l’attention dans toutes les scènes où il apparaît, malgré les présences musclées de Carl Weathers (Apollo Creed quand même) et d’un modèle d’Arnold au sommet de sa forme box-office. Ce même Arnold lui donne un autre rôle immédiatement après dans le très en avance sur son temps The Running Man (Le Jeu du Défi), avant d’obtenir un rôle principal dans Thunderground (tu payes rien pour attendre toi en passant!!).
Bref, tout ce préambule pour dire qu’en 1990, on offre ENFIN à Jesse son propre film, où il serait le personnage principal et un héros, comme Hulk Hogan ou son mentor cinématographique Arnold Schwarzenegger! Ce film, s’appelle Abraxas, gardien de l’Univers. Rien de moins que ça pour notre Body!
Le responsable de « ça » s’appelle Damian Lee. Lee, on va en reparler plus tôt que tard à cause d’autres daubes mettant en vedette des stars de l’arène, dont mon préféré, Piper. Il est aussi responsable d’autres comédies et films d’action nanars, la plupart du temps tournés en Ontario, comme le Death Wish 5 avec Charles Bronson ou L’école de ski s’envoie en l’air. C’est un badass légitime qui aurait fait du combat de rue au Pérou (?!) selon sa biographie. Lee a donc écrit, produit, réalisé et joué dans Abraxas. (Hey… quatre chèques de paye!)
Abraxas (Ventura) est un policier extraterrestre qui vient sur Terre chercher le dangereux Secundus, campé par le très Danois Sven-Ole Thorsen, un habitué des rôles de méchants d’outre-mer (donc Russe!). Secundus, voyez-vous, est venu ici pour violer (lui préfère « féconder ») une femme dans une scène digne de la joke de Chuck Norris qui met une femme enceinte en la touchant (pour vrai!), afin de mettre au monde l’Enfant qui saura porter en lui l’équation finale anti-vie. Tout le monde suit? Bon. Abraxas doit donc se rendre sur place, à Thornbury, Ontario, pour protéger la mère et l’Enfant, Tommy, maintenant 5 ans, afin d’empêcher Secundus de le ramener et lui extirper son « équation anti-vie ». Le film est sans cesse interrompu par des scènes qui se déroulent au QG fluo de la police intergalactique, qui donne ses indications à Abraxas. Ces scènes rappellent les moments étranges de Bleu Nuit dans les vieux Emmanuelle entre George Lazenby et Sylvia Kristel en avion, tant par leur inutilité que leur potentiel à ruiner mon érection. Parlant d’érection, y’a un moment incroyablement dérangeant dans le film (j’hyperbolise un peu) où un Jesse Ventura est couché, probablement nu à peine recouvert, et demande au kid de venir le voir dans sa chambre. Ensuite, il lui demande de se rapprocher, un peu plus encore, s’asseoir sur le lit, puis il se met à lui raconter une histoire, une histoire sur deux hommes, jadis partenaires…
C’est l’un des nombreux moments du film où l’on ne se prend pas au sérieux. Vous allez aimer également toutes ces fois où Ventura fait référence à son « Vibrational Detector » en disant avoir un VD (maladie vénérienne), les scènes où Secundus essaye de se mêler à la population ontarienne au resto à déjeuner ou au camping, avec sa chemise à carreaux pis son chapeau de poil interprétant son rôle à la façon d’un Terminator. Ventura n’est guère meilleur avec son jeu digne d’une promo de Jake The Snake Roberts.
Vous allez bien vous amuser dans ce divertissement très honnête de 87 minutes ni trop long ni trop court. Depuis tantôt, vous remarquerez que je parle enfin comme si vous alliez pouvoir le voir. Si je suis si confiant, c’est qu’en date, parmi tous les films présentés à Filmomania, c’est de loin le plus facile et gratuit de tous. Abraxas semble avoir perdu ses copyrights dans les dernières années… On le retrouve pour cette raison sur plusieurs coffrets de films pourris qui ne coûtent rien à distribuer, avec ici une collection de pochettes malhonnêtes et trompeuses.
On trouve aussi régulièrement une copie dite “officielle” sur YouTube, résultant du transfert d’une VHS de pas pire qualité. Cette liberté des droits entraîne malheureusement aussi le défaut de sa qualité, dans l’instance où aucune compagnie ne va investir dans sa restauration. Abraxas est donc condamné aux limbes de sa qualité VHS.
Pour les fines bouches qui veulent se le taper une deuxième fois dans des conditions inégalables, il existe une version commentée par les créateurs du Mystery Science Theater 3000 sur leur site web Rifftrax.com , où pour la somme de 9.99$, vous pouvez acheter une copie qualité DVD en mp4 avec des blagues et du bitchage amical lancé contre le film pendant que vous le regardez. Je ne saurais trop vous le recommander!
La semaine prochaine, on revient à Montréal voir comment Roddy Piper va décalisser de l’alien-zombie près du Palais des Congrès!