Nous voyageons en 1978 cette semaine pour retourner voir une de mes personnalités préférées du 7e Art, Sylvester Stallone. Je vous ai parlé dans le passé de l’importance incommensurable qu’a eu Stallone tant pour la WWF, que pour la Hulkamania en totalité ou presque, grâce à Rocky III. Mon point, c’était que pas de Stallone, pas d’Hogan. Pas d’Hogan, pas de WWF, pas de NWO, pas d’Attitude Era ou de Monday Night Wars. Rocky III était la troisième réalisation de Stallone, après Rocky II… et ce film, Paradise Alley. Non seulement une première réalisation pour Stallone, mais un premier scénario! Oui, bien avant Rocky, alors que Sly était complètement cassé, pauvre et rêvait d’une carrière à Hollywood, il a écrit ce scénario, d’abord comme roman, puis comme film, dans la première moitié des années 70.
Paradise Alley a été refusé jusqu’au succès de Rocky en 1976, où les producteurs lui ont donné pratiquement carte blanche pour faire un autre film. Ce film se passe dans le monde de la lutte. J’espère tellement rencontrer Sly un jour pour lui demander quel est ce rapport si intéressant qu’il entretient avec la lutte professionnelle, qui a fait faire des millions de dollars à plein de gens…
Nous sommes donc à New York, en 1946, dans le quartier d’ouvriers immigrants de Hell’s Kitchen. Hell’s Kitchen, aujourd’hui gentrifié, était à l’époque un quartier très pauvre réputé pour ses problèmes sociaux. Jadis, il était surtout habité par des familles d’immigrants sans emploi provenant d’Europe centrale et d’Irlande. Notre acteur, réalisateur, producteur et scénariste fait le rôle principal de Cosmo Carboni, qui vit avec ses deux frères, Victor et Lenny, dans un minuscule appartement du quartier, infesté de rats. Lenny (Armand Assante dans son jeune temps) est un héros de guerre qui travaille comme croque-mort pour boucler les fins de mois, malheureux et infirme depuis le conflit mondial. Victor, le jeune frère et livreur de glace (avant les frigos) est énorme. C’est le plus gros et le plus colosse de Hell’s Kitchen, mais n’est pas très brillant et il ne ferait pas de mal à une mouche. Il est exploité par son frère Cosmo dans des concours improvisés qui les mettent tous en danger. Cosmo est le cerveau du trio, malgré qu’il ne sache pas lire. C’est le débrouillard, le gars qui vit dangereusement au jour le jour avec les grands, l’intelligence de la rue, n’ayant aucune attache réelle à la vie de merde qu’il mène, sinon d’assurer la sécurité de ses frères dans ce « rêve américain » fermé aux immigrants.
Un soir, Cosmo implique son frère dans un bras de fer avec l’homme fort le plus redoutable du coin, entouré des gangsters locaux qui contrôlent Hell’s Kitchen, Frankie The Thumper, joué par Terry Funk, méconnaissable! Après une victoire de Victor aux termes d’un match de bras de fer qui dure près d’une demie-heure (quelle scène!), Cosmo décide que son frère pourrait aller plus loin. Ils se rendent au Paradise Alley, club/bar de pourris contrôlé par les gangsters où un ring de fortune est installé pour permettre au promoteur véreux (Joe Spinell, que les fans de films d’horreur reconnaîtront de Maniac!) d’organiser des combats de lutte sans règle ni limite pour le plaisir de la racaille du quartier.
À l’aide du vétéran de la place, ils entraînent Victor dans une carrière de lutte où une cinquantaine de bons matchs sans défaite leur permettra à tous trois de sortir d’Hells Kitchen pour toujours. S’en suit une séquence de combats rappelant Raging Bull (deux ans AVANT Raging Bull!) des 49 victoires du gros Carboni, qui passe à travers des lutteurs en caméo, comme Dick Murdoch, Ted DiBiase, Ray Stevens, Gene Kiniski, Don Leo Jonathan, Dory Funk (le frère de l’autre) et même… Dennis Stamp! Oui, il a été booké pour ce film… Une autre séquence de vétérans des années 70 qui manque cruellement de Pat Patterson!
Sa cinquantième victoire, cependant, il devra l’obtenir face au Thumper de Terry Funk, aidé des gangsters, qui attend sa revanche depuis le début! La scène dure 12 minutes, dans un ring détrempé par un toit qui coule, et quelle scène! Terry dit dans son autobiographie qu’il a tout orchestré les scènes de lutte lui-même. Il ne déçoit pas. La fin non plus! Une fin semie-ouverte qui nous empêche de savoir ce qui se passe vraiment aux termes du match, comme une autre histoire banale sans importance de cette nuit-là dans la grande ville de New-York dont on ne parlera qu’en bouche-à-oreille… Peut-être…
Diffusé en septembre 1978, Paradise Alley a amassé plus que ce qu’il a coûté, l’important, et a été le tremplin de Sly dans une carrière comme réalisateur, qui se poursuit encore 35 ans plus tard. Paradise est un drame social qui utilise bien la ville et surtout le quartier comme personnage du film, se veut une critique, inoffensivement, contre le rêve américain, quand même porteur d’espoir et un film qui a permis à Terry Funk de faire plusieurs autres films et télé-séries depuis. Quand le message s’est passé backstage que le “gars qui a fait Rocky” cherchait un lutteur pour son prochain film, les boys ont eu la même réaction qu’Hogan pour Rocky III et sont partis à rire, pensant que c’était un “rib” (une plaisanterie entre lutteurs), mais pas Funk. Il a pris la situation en main et a tourné une promo contre Stallone avant de lui a envoyer la cassette. Stallone a aimé et a dit à Terry qu’il avait le rôle! Malgré qu’il se soit mis quelques producteurs à dos en leur faisant des blagues de mauvais goûts (impliquant des organes génitaux) qui seraient très drôles entre lutteurs, au final, Funk dit dans son autobiographie que travailler pour Stallone fut la meilleure décision de sa vie. Il a fait des commerciaux et des séries-télé, lui permettant d’avoir une assurance (un luxe pour un lutteur!) à la guilde des acteurs d’Hollywood (SAG) et a retravaillé avec lui sur d’autres films, s’occupant des cascades pour Rocky V et comme cascadeur dans Rambo, en plus de jouer dans un gros film avec Patrick Swayze (à suivre!).
Malgré que ça ne soit pas le chef-d’œuvre de la carrière de Stallone, ni même l’un de ses films les plus connus, n’en reste pas moins qu’il est facile à trouver (VHS, DVD, Blu-ray), comme tout ce qui contient du Stallone dans ses ingrédients. Sly a raconté dans un Q&A que le premier producteur qui a mis une option sur le scénario était tellement une merde sans nom, une coquerelle, que lorsqu’ils sont allés le proposer à d’autres producteurs, ces derniers ne voulaient tellement pas dealer avec la merde sans nom qu’il ont dit à Stallone en privé “On ne vous prendra pas ce film, mais si toi tu as une autre idée, on va la prendre…” Cette nuit-là est né Rocky! Tout ça et tout ce qui allait suivre un peu à cause d’une merde sans nom de Paradise Alley… J’adore cette histoire!
Étonnamment, après deux chroniques sur Sylvester Stallone et ses films dans l’univers de la lutte ou avec des lutteurs, nous n’en avons même pas fini avec lui! Jusqu’à preuve du contraire, il en reste au moins deux…