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11/12/2023 | Chroniques

Quand la lutte professionnelle devient une offre culturelle

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ICW

Depuis longtemps, trop longtemps, les arts boudent la lutte professionnelle.

Un groupe de bouffons faisant semblant de se frapper dessus n’est pas assez noble pour les gens jouant du Molière ou traduisant du Shakespeare. Comme si le théâtre n’avait pas le droit d’être populaire. Comme si on avait oublié Michel Tremblay, Broue et Les Voisins.

J’ai longtemps dit que dans le Journal de Montréal par exemple, la lutte était assise entre deux chaises. Les sports disent que ce n’est pas un sport. Les arts disent que ce n’est pas de l’art. Ça nous prendrait une section spéciale entre les deux, pas loin des décès et des mots croisés!

Il est toutefois vrai que pendant longtemps, la lutte voulait être un sport et faisait croire à ses amateurs que c’en était un.

Mais cette époque est révolue.

Merci à Robert Lepage!
Depuis quelques années, on voit un vent de changement. Le très respecté metteur en scène Robert Lepage a été un précurseur en incluant la lutte dans sa programmation pour son tout nouveau théâtre à Québec, Le Diamant. Si bien que la lutte a été le tout premier spectacle à y être présenté.

La semaine prochaine à Amos, pour une deuxième année consécutive, la NSPW se produira au théâtre des Eskers.

Dans le film « Celles qui luttent » de Sarah Baril Gaudet, on y voit des lutteuses en train de préparer leur match en arrière-scène, un visuel qui en aurait choqué plusieurs il y a de ça quelques années à peine et qui, pourtant, a été l’un des moments les plus appréciés du film par ceux et celles qui s’y connaissaient moins. Et avec raison. Le processus créatif derrière un match de lutte est encore très méconnu et mérite d’être exploité davantage.

Ce qui m’amène à parler de la soirée de vendredi dernier.

ICW: une insitution dans le quartier Hochelaga
L’ICW de Ludger Proulx faisait un retour sur la scène québécoise, elle qui n’avait rien produit depuis le 14 mars 2020 et une certaine pandémie.

Plus vieille promotion de lutte au Québec, qui découle des spectacles que Ludger Proulx produisait depuis 1982, l’ICW est une institution dans Hochelaga-Maisonneuve. Elle y a produit des spectacles pendant plus de 10 ans dans le sous-sol de l’Église Nativité, au coin des rues Ontario et St-Germain. Ensuite, elle a occupé plusieurs autres endroits, que ce soit rue Parthenais, St-Clément et son plus récent domicile fixe, au coin des rues Joliette et Adam.

Il y a quelques mois, Yanick Thibault, agent culturel de la maison de la culture Maisonneuve, contacte Ludger. Pour le compte de la bibliothèque Maisonneuve, il est intéressé par certaines anciennes revues de lutte que le promoteur détient. Les deux se rencontrent et Proulx en profite pour lui dire qu’il est à la recherche d’une salle pour produire ses événements.

Ça tombe bien. Thibault en a une à lui offrir.

En 1981, une première maison de la culture avait été inaugurée à l’intérieur des murs de la bibliothèque Maisonneuve, au coin de Pie-IX et Ontario. Puis, en 2005, on l’avait déménagée dans son propre édifice, une ancienne caserne de pompier tout juste à côté. Depuis, l’établissement s’est doté d’une très chic salle de spectacle.

C’est cette salle qui serait disponible pour l’ICW.

Mais la promotion ne peut se la payer. C’est correct. Ce n’est pas l’offre qui est sur la table. Thibault lui offre la salle gratuitement. Proulx croit alors que la maison de la culture fera ses frais par la vente de billets.

Au contraire. L’entrée sera gratuite.

Proulx croit alors que la salle fera ses frais par la vente de bière et rafraîchissements. Pas plus. Ces profits iront plutôt à un organisme.

Mais qui va payer pour tout ça?

La réponse: l’arrondissement. La ville de Montréal si vous aimez mieux.

Dans le but de donner une offre culturelle aux résidents du quartier, l’arrondissement a décidé d’offrir gratuitement l’accès à des spectacles et a choisi la lutte pour l’occasion.

Quelle bonne idée!

De la lutte gratuitement, les amateurs répondent présents

Chaque mois, soutenu financièrement par la maison de la culture, Proulx sera donc responsable d’y présenter un spectacle de lutte. Dans le milieu, on appellerait ça un « spot show », ces spectacles pour lesquels le promoteur n’a pas à s’inquiéter de la vente des billets.

Et vous ne serez pas surpris de lire que le tout a été plus que bien reçu.

Dans les 15 premières minutes, les 185 billets disponibles s’étaient déjà envolés. Si on va les chercher en personne, les billets sont gratuits. Si on les réserve sur le web, seuls des frais d’administration d’environ 2$ doivent être payés.

D’autres billets ont été mis à la disponibilité des amateurs le matin du spectacle, certains se sont désistés, mais au final, ce sont quand même plus de 185 amateurs qui ont franchi le tourniquet pour le retour de l’ICW.

Du nombre, Pierre Lessard-Blais, le maire d’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et Alia Hassan-Cournol, conseillère associée à la mairesse et conseillère de la ville pour le conseil d’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve.

Les deux ne pouvaient être plus contents. Particulièrement Lessard-Blais, grand amateur de lutte lui-même. Cofondateur de l’Espace public, le premier broue-pub d’Hochelaga, sur la rue Ontario, il avait nommé une bière la « Mad Dog » lorsque celui-ci était décédé en 2013.

Lorsqu’on s’est parlé vendredi, alors que près de 200 personnes attendaient avec impatience le début du spectacle, il avait l’air d’un enfant qui ouvrait ses cadeaux à Noël.

Quand la lutte et la culture font équipe
Sept combats ont été présentés, pour un total de huit vainqueurs. Mais les vrais gagnants, ce sont les résidents du quartier qui, une fois par mois, verront du théâtre, seront immergés dans la culture populaire et par le fait même, divertis à souhait par les costumes, l’éclairage, les scénarios, la créativité, l’acrobatie et l’athlétisme qu’est la lutte professionnelle.

La lutte comme offre culturelle: il était temps!

Voici en terminant, les résultats rapides de vendredi dernier :

• Shikaka a battu Ranza Hunther
• Sly Silverstone a défait Exco
• L’Unité Freak (Lucky Ranger et Frank « L’assassin » O’Neill), acc. par Monsieur Pat ont vaincu Marty Lang et Jean
• Brad Alekxis a battu Thomas Quintal
• Bulldozer a défait Xavier Black par DQ
• Marko Estrada a vaincu James « Le Saint » Tavares, acc. par du Mobster 357
• L’Adorable Steve Ace a défait Franky the Mobster

Le prochain spectacle aura lieu le vendredi 19 janvier 2024 à 20h.

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