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08/10/2019 | Chroniques

René Duprée : Rencontre impromptue avec un guerrier de l’arène

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Montréal, 1er septembre 2018, 23h00. Le gala Whatever It Takes présenté au Bain Mathieu par la Fédération de lutte québécoise (FLQ Wrestling) vient tout juste de prendre fin. Je me dirige en coulisses pour effectuer deux ou trois entrevues d’après-match, comme j’en ai l’habitude depuis quelques mois, lorsque j’aperçois l’une des grandes vedettes de la soirée, l’ex-champion par équipe de la WWE René Duprée, étendu sur un canapé, visiblement épuisé.

Il y a environ une heure à peine, René venait d’offrir une prestation phénoménale dans le ring, digne de ses meilleurs combats dans la WWE, face à son adversaire Kevin Bennett, dont il n’a fait qu’une bouchée. Une combinaison redoutable d’une Cactus Clothesline, d’un Sit-Down Piledriver et d’un Frogsplash a soulevé la foule et créé une onde de choc parmi les spectacteurs électrisés. Aucun doute possible, René Duprée est toujours au sommet de son art, et semble même performer de façon encore plus athlétique que durant ses jeunes années à la «E». Il quitte le ring sous les applaudissements du public, qui scande «Renééé, Renééé, Renééé, Renééé» sur l’air du traditionnel chant des Canadiens de Montréal «Olééé, olééé, olééé, olééé».

En coulisses, cependant, une fois l’adrénaline dissipée, René semble être dans sa bulle, et il a la mine plutôt basse. Je résiste à l’envie pressante de l’aborder pour lui dire à quel point j’ai été fasciné par sa prestation de ce soir, car je n’ose pas le déranger. Entre temps, je termine une entrevue aussi cocasse que chaleureuse avec Mathieu St-Jacques et Thomas Dubois, le Tabarnak de Team, deux des lutteurs les plus en demande au Canada, mais aussi deux gentlemen à l’extérieur de l’arène, toujours souriants, aimables, sans une once de prétention. Après avoir ricané longuement avec eux et avoir reçu quelques claques dans le dos, ma soirée de lutte semble terminée, et je m’apprête à quitter les lieux par la porte de côté, où le « ring crew » s’affaire à charger frénétiquement les divers morceaux du ring dans un camion de location.

C’est alors que mes amis Dina et Carl, les promoteurs de l’événement, me demandent si j’accepterais d’aller reconduire René Duprée à l’endroit où il séjourne à Montréal, car ils ont encore un tas de choses à régler avant de pouvoir eux-mêmes quitter. René doit prendre un avion pour le Nouveau-Brunswick à 6h00 le lendemain matin, et il a visiblement besoin de repos. J’accepte donc avec grand plaisir, ne sachant pas trop à quoi m’attendre, tout en éprouvant la fébrilité d’un enfant le matin de Noël.

J’aborde René en anglais, car même s’il s’exprime bien en français, je sais qu’il est plus à l’aise dans la langue de Shakespeare que celle de Molière, et par surcroît, il est épuisé. Il s’installe dans le siège du passager, je m’assois derrière le volant, et c’est alors que notre discussion à bâtons rompus commence.

Moi: Tu as offert une performance extraordinaire ce soir, René. J’ai l’impression que tu es encore plus agile et en forme qu’à l’époque de la WWE.
René: Tu trouves? Vraiment? Merci beaucoup. Tu sais, dans la WWE, il y avait tellement de prises et de mouvements qui nous étaient interdits, on avait très peu de liberté créative. C’était assez frustrant. L’aspect politique prenait trop de place. Je ne veux pas paraître amer ou dénigrer qui que ce soit, mais je préfère ma vie en ce moment. J’ai fait une cinquantaine de tournées au Japon, depuis que je suis lutteur indépendant. Il n’y a pas beaucoup de gens qui peuvent se vanter de ça. Et c’est au Japon que j’ai rencontré ma femme.
Moi: Comment fais-tu pour rester aussi en forme et maintenir ta condition physique?
René: Je vais au gym deux fois par jour, chaque jour.
Moi: À voir tes abdos, tu ne dois pas être un amateur de poutine!
René: Ha ha ha ha ha!!! Non, pas vraiment. Je mange surtout du thon, du riz, et du poulet.
Moi: Ce soir, tu affrontais Kevin Bennett, un jeune lutteur très prometteur. Le connaissais-tu avant de l’affronter? Combien de temps avez-vous passé à préparer votre match?
René: Non, je dois t’avouer que je ne le connaissais pas. Je ne l’avais jamais vu lutter.
Moi: Est-ce que c’est plus difficile de préparer un match contre un adversaire que tu ne connais pas du tout?
René: Pas vraiment, en fait. C’est l’instinct et l’expérience qui prennent le dessus. On a passé environ 5 ou 6 minutes à discuter et à préparer notre match. Il y a des lutteurs qui peuvent parler de leur match pendant des heures et des heures avant un gala, et je trouve ça un peu assommant.
Moi: Tu préfères laisser place à la spontanéité, au fond?
René: Exactement. D’ailleurs, as-tu vu la promo que j’ai enregistrée pour répondre à la sienne?
Moi: Oui! Ta promo était géniale, tu semblais tellement en colère et offusqué par les commentaires de Bennett, disant que tu étais un lutteur fini. Ça semblait vraiment authentique.
René: Et voilà. C’est ça l’important, l’authenticité. Même si l’ère du Kayfabe est révolue, et que tout le monde sait que la lutte est un spectacle, on doit continuer à faire tout ce qu’on peut pour que ça paraisse vrai. C’est ça que le public apprécie.

La discussion se poursuit, et René semble se sentir assez à l’aise avec moi pour me raconter d’autres détails de sa carrière, malgré la fatigue et les douleurs au dos qu’il éprouve. Il a beau être dans une forme splendide, le corps d’un lutteur d’expérience comme lui est un véritable champ de bataille, parsemé de cicatrices, de maux multiples, de raideurs, de douleurs quotidiennes. Arrivé à destination, au moment de déposer René, je lui manifeste mon appréciation pour cette conversation impromptue, et le respect que j’ai pour lui et sa profession.

Il me lance un: Thanks, bro. It was nice meeting you… avant de disparaître dans la nuit.

 

***Voyez ou revoyez ci-dessous le combat entre Renée Duprée et John Cena à la WWE, filmé à Montréal en 2005 pour SmackDown!

 

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