Suivez-nous sur Facebook
09/06/2020 | Chroniques

LuFisto : lutter dans la dignité

LIRE L'ARTICLE PRÉCÉDENT
LuFisto : lutter dans la dignité
LIRE L'ARTICLE SUIVANT
LuFisto : lutter dans la dignité

F78FB773-5ECA-4211-B2A8-6C70130CD847

Il y a quelques semaines, le monde de la lutte a dénoncé avec véhémence le traitement réservé aux lutteuses et ex-lutteuses de la Combat Zone Wrestling (CZW). À l’avant-plan de cette dénonciation : la lutteuse soreloise Geneviève Goulet alias LuFisto. Lutteuse d’envergure internationale depuis plus de deux décennies, la Québécoise a, après avoir tenté de contacter à plusieurs reprises la CZW afin d’obtenir des explications, réalisé une vidéo YouTube pourfendant les agissements des nouveaux propriétaires de la CZW. La CZW a vendu des combats féminins à une tierce partie, laquelle a alors publicisé les combats en les affublant de titres des plus dégradants à l’égard des athlètes, sexualisant ainsi outrageusement les performances de ces dernières. Voici une capture d’écran de l’annonce faite par la CZW :

czw 1czw 2czw 3czw 4

Et voici la vidéo dans laquelle LuFisto prend position et qui a été partagée à de multiples reprises et par des personnalités influentes du monde de la lutte professionnelle :

Par la suite, ma collègue Mélanie Noël de Lutte.Québec s’est entretenue avec la principale intéressée. Elle a eu la chance de lui poser quelques questions en lien avec cette dénonciation.

 

Tout d’abord, j’aimerais que tu me racontes de quelle façon cette nouvelle de la Combat Zone Wrestling (CZW) t’est parvenue? Par des collègues? Des amis? Un communiqué officiel, etc.?

Un amateur de lutte a écrit sur Twitter « Je ne peux pas croire que LuFisto Vs. Mercedes Martinez est catégorisé de catfight ». À partir de là, je suis allée voir le communiqué de la CZW et j’ai vu la façon dont les femmes étaient publicisées, telles des actrices pornographiques.

 

Lorsque tu as pris connaissance de l’utilisation que la tierce partie ferait de ton matériel vidéo en tant que lutteuse, ainsi que celui d’autres athlètes féminines, quelle a été ta réaction? Y as-tu cru d’emblée?

J’ai tout d’abord simplement écrit sur Twitter : « Sweaty girlz in dirty catfights? Sérieusement CZW? Je suis une lutteuse professionnelle ainsi que mes collègues! Décevant! » La CZW m’a contactée pour blâmer la tierce personne à qui ils ont vendu les combats disant qu’ils ne pouvaient rien faire. Ils démontraient un je-m’en-foutisme total… J’ai attendu deux mois en espérant qu’ils allaient changer leur fusil d’épaule. Comme cela continuait, j’ai décidé de les confronter via une vidéo en ligne. C’est là que l’affaire a pris de l’ampleur alors que plusieurs de mes collègues ont appris ce qui se passait.

 

Au niveau personnel, comment décrirais-tu les sentiments qui t’ont habités lors du dévoilement du programme de la tierce partie et la réaction initiale de l’une des fédérations t’ayant « donné ta chance » et dont la réputation semblait progressiste?

Je suis passée de la déception à la colère, puis à un sentiment de trahison. Lorsque la CZW a acheté la WSU (leur division féminine), on nous promettait que WSU serait la « Shimmer » de la côte Est des États-Unis, qu’il s’agissait d’une division sérieuse où le talent de ses athlètes serait mis en valeur. Ce qui a vraiment fait en sorte que la situation ait dégénérée a été la réponse officielle de la CZW, qui confirmait qu’elle n’allait rien faire pour supporter les lutteuses qui leur avaient fait confiance en leur laissant utiliser leurs noms et images.

L’ancien booker, Blake Thomas, a d’ailleurs dénoncé l’attitude de la promotion en disant que la CZW crachait sur tout son travail alors que, lui aussi, travaillait à faire de la WSU une promotion de lutte féminine axée sur la performance de ses athlètes.

De plus, plusieurs lutteuses se sont enfin vidé le cœur en dénonçant le harcèlement sexuel subi de la part du promoteur de la CZW.

 

Face à cette controverse, la CZW a-t-elle été lente à répondre à tes messages? À quelque moment, son attitude « détachée et négligente », on paraphrase ici, a-t-elle évolué?

Comme expliqué plus haut, ils ont réagi rapidement à mon premier message et nous avons échangé quelques mots sur Twitter en privé suivant ce dit message. Cependant, lorsque j’ai vu qu’ils n’avaient que des excuses pathétiques, j’ai attendu près de deux mois avant de les confronter publiquement avec ma vidéo. Entre les premiers messages et la vidéo, il ne s’est passé absolument rien alors qu’ils ont continué à faire la promotion des lutteuses comme des actrices de films pornographiques.

 

À quel point perçois-tu que les agissements d’un promoteur peuvent, d’une certaine façon, encourager, inciter ou influencer la manière dont le public traite l’athlète sachant que les lutteuses font souvent l’objet de comportements déplacés tels la cyberintimidation ou harcèlement?

Nous ne pouvons malheureusement pas contrôler tout ce qui se dit sur Internet. Cependant, nous pouvons décider de la façon dont nous somme présentées au public. Nous pouvons choisir où nous luttons. Nous sommes conscientes que la promotion indépendante se servira de notre image et nom sur des affiches, DVD et distributions de nos combats en ligne (Highspots, IWTV, etc) alors qu’ils survivent ainsi. Cependant, en aucun cas ne donnons-nous droit à qui que ce soit de nous présenter sous une autre forme qu’en tant que lutteuses professionnelles.

Le fait qu’une promotion en qui nous avions confiance et qui nous avait promis qu’elle nous présenterait en tant qu’athlètes sérieuses et non comme étant des morceaux de viande est une solide claque au visage. Cela donne l’exemple que c’est correct de nous voir comme un objet sexuel seulement. Nous retournons ici des années en arrières, dans la fameuse Attitude Era après avoir tellement évolué depuis.

Avec de tels agissements, certains pensent alors que les lutteuses sont disponibles pour offrir des services sexuels en ligne.

 

Depuis la vidéo que tu as publiée et les appuis qu’elle a générés, la CZW a-t-elle changé son fusil d’épaule? La fédération a-t-elle repris contact avec toi avec une nouvelle attitude?

Du tout. La CZW a répliqué par un seul communiqué et a complètement ignoré la situation depuis. Il en est de même pour Steve Karel de Stonecutter Media qui a acheté les combats, changé les titres des galas pour des noms fétichistes et fait de la promotion en prenant des captures d’écran de nos fesses, seins et entrejambe. Pas un mot de ces gens qui, visiblement, se foutent du travail acharné qui dure depuis des années de leur talent féminin.

 

En lien avec la question précédente, on voit que tu as reçu de nombreux appuis dont celui du légendaire Mick Foley. Es-tu la seule lutteuse ayant travaillé à la CZW à avoir dénoncé aussi directement et publiquement leur façon de faire?

Je suis la première et celle qui continue à être très vocale sur le sujet. J’ai fait des entrevues partout à travers la planète déjà et j’en ai d’autres de prévues. Beaucoup de lutteuses se sont manifestées suivant le communiqué de la CZW, mais c’est un peu plus mort depuis. Cependant, quelques-unes d’entre elles ont partagé à nouveau ma vidéo comme Kiera Hogan. Mikey Whipwreck de la ECW, Jordynne Grace (Impact! Wrestling), Kimber Lee, Joey Janela (AEW), Suge D et bien d’autres personnalités ont aussi démontré leur appui.

mick foley

Le légendaire Mick Foley et ses gazouillis

mick foley tweet 1mick foley tweet 2

https://twitter.com/JANELABABY/status/1262555065908330496?s=20

https://twitter.com/SugarDunkerton/status/1263828137982427136

Les appuis envers ta prise de position ont été nombreux, mais as-tu malheureusement dû subir l’envers de la médaille?

Oui, malheureusement. Depuis la parution de la vidéo, j’ai eu quelques commentaires négatifs ici et là, mais je subis les foudres de deux personnes plus précisément qui me harcèlent jour et nuit et ce, sans arrêt. L’une de ces personnes essaie de détruire ma réputation avec des histoires fabriquées de toutes pièces sur tous mes réseaux sociaux mais surtout sur Twitter. Il se crée de nombreux comptes aussi. Cela dure depuis plus de douze jours maintenant [daté de quelques jours avant la rédaction de cette entrevue]…

 

Tu as fait faire beaucoup de chemin à la lutte féminine à travers les années. Crois-tu porter désormais un nouveau flambeau : que la jeune génération de lutteuses n’ait pas à accepter n’importe quoi sous le couvert du marchandisage afin de se faire connaître, voir et valoir?

J’ai toujours été une personne très affectée par ce que je juge injuste. Si une situation est mal et injuste, je dois absolument faire quelque chose pour la régler. Comme avec la Commission athlétique de l’Ontario au début des années 2000, rien dans cette situation avec la CZW n’est acceptable. Encore une fois, le fait d’être une femme dans un monde d’hommes nous donne du fil à retordre et dans ce cas-ci, détruit des années et des années de travail acharné. C’est inacceptable qu’une fédération en laquelle nous avions confiance change son discours afin de faire des ventes.

Comme avec la Commission, personne n’a osé faire ou dire quelque chose. Il aura fallu que la même se lève et se salisse les mains pour dénoncer ce qui se passe.

 

Enfin, cela fait quelque temps que ce cri du cœur vidéo a été publié. Rétrospectivement, as-tu l’impression que le message a « passé », résonné, fait écho, et changera certaines mentalités?

Plusieurs amateur(rice)s ont boycotté la CZW en plus d’annuler leur inscription à leurs distributions en ligne. Plusieurs lutteuses se sont enfin décidées à dénoncer publiquement le harcèlement sexuel dont elles ont été victimes par le promoteur DJ Hyde et ont décidé de ne plus jamais remettre les pieds à la CZW ou WSU. Plusieurs autres ont manifesté que, maintenant qu’elles savent ce qui se passe, elles n’iront jamais travailler pour cette promotion. Cela a sensibilisé beaucoup de gens et a même choqué. C’est en dénonçant de telles situations que nous ne retournerons pas en arrière et que nous continuerons à avancer.

 

LuFisto tenait d’ailleurs à transmettre ces quelques mots :

Je crois plus que jamais que c’était la bonne chose à faire pour nous les lutteuses [dénoncer], mais surtout pour l’avenir de toutes celles qui viendront après. Toujours dénoncer ce genre de comportement, ne pas l’accepter et ne pas avoir peur. De plus, dénoncez et rapportez les gens qui harcèlent en ligne. Malheureusement, cela aura coûter la vie de l’une d’entre nous, Hana Kimura, qui avait seulement 22 ans. Les mots peuvent tuer, ne jamais l’oublier.

Cher(e)s lecteur(rice)s, aidez LuFisto et les autres lutteuses professionnelles en partageant son message, et en dénonçant l’intimidation et le sexisme.

Pour davantage de contenu québécois concernant la lutteuse, Pat Laprade et Kevin Raphaël la reçoivent à leur balado Les antipods de la lutte.

Vous pouvez suivre LuFisto via son site web LuFisto.com ainsi que les réseaux sociaux : Facebook, Instagram et Twitter.

PS : la photo d’en-tête est tirée des réseaux sociaux de LuFisto.

RÉAGISSEZ CI-DESSOUS

commentaire(s)

test
LIRE L'ARTICLE PRÉCÉDENT
LuFisto : lutter dans la dignité
LIRE L'ARTICLE SUIVANT
LuFisto : lutter dans la dignité