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03/09/2021 | Chroniques

Le Poing: Zak Patterson, une recrue pas comme les autres

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Zak Patterson 1a

Pat Laprade

Pat Laprade

Il est rare d’entendre des jeunes aujourd’hui dire très ouvertement qu’ils veulent devenir lutteurs professionnels, qu’ils veulent en faire une carrière.

C’était plus fréquent dans les années 1980. J’ai moi-même déjà dit vouloir devenir lutteur. Aussi, il y a 35 ans, les vedettes locales étaient plus nombreuses. Dino Bravo, Rick Martel, Gino Brito, les frères Rougeau faisaient courir les foules, alors il était plus coutumier d’entendre ce discours.

C’est pourtant le cas du jeune Zakary Hébert, Zak Patterson comme il se fait appeler dans le monde de la lutte. Et il faut d’ailleurs remonter jusqu’aux années de Lutte Internationale pour mieux comprendre la passion qu’il a et le désir de vivre de celle-ci.

Tel père, tel fils

Zak et son père, l'auteur, scripteur et historien, Bertrand Hébert

Zak et son père, l’auteur, scripteur et historien, Bertrand Hébert

Né à Beauharnois, Zak est le fils de l’auteur, scripteur et historien, Bertrand Hébert.

Ce dernier est amateur de lutte depuis sa tendre enfance, quelque part au début de la décennie 80. Son propre père, Gérald, amenait ses deux garçons, Bertrand et François, au Centre Paul-Sauvé et au Forum pour assister aux événements de lutte qu’on y présentait.

Avec les années, Bertrand et François ont continué à graviter dans le milieu.

Le premier est devenu scripteur en chef de la NCW, la plus vieille promotion de lutte au Québec (l’ICW est la plus vieille à Montréal). Le second est devenu lutteur pour la même organisation sous le nom d’Iceman.

Bertrand a par la suite travaillé pour d’autres organisations dont la TOW et la FLQ, a été le correspondant québécois du magazine Pro Wrestling Illustrated, a écrit quatre livres sur la lutte, dont trois avec moi, et a été le biographe et un proche confident de Pat Patterson dans les dernières années.

François a lutté de 1994 à 2002, a été multiple fois champion Québécois de la NCW et a été élu au temple de la renommée de la NCW. Même leur paternel a évolué dans le milieu, alors que Gerry Hébert a été l’annonceur maison de la NCW pendant de nombreuses années. Sa marque de commerce était de faire semblant de sauter par-dessus le troisième câble en faisant son entrée au ring, ce à quoi la foule réagissait toujours.

Ce qui nous ramène à Zak.

Comme son père l’avait fait avec lui, Bertrand a initié Zak et son jeune frère Jean-Krystophe à la lutte dès leur jeune âge, soit en l’écoutant avec eux à la télévision, soit en les amenant voir des événements, autant de la WWE que du circuit indépendant québécois.

« Depuis autant que je me souvienne, j’ai toujours écouté la lutte et j’ai toujours voulu devenir lutteur, raconte Zak, qui comptait parmi ses héros d’enfance les Rey Mysterio, Batista, Tiple H et Jeff Hardy. C’étaient des superhéros, des surhommes. J’écoutais ça avec mon père et je me disais que je voulais en être un aussi. »

Lutteur oui, mais pas avant 18 ans
Le problème de tomber en amour avec la lutte à un si jeune âge est de vouloir commencer à en faire et ce, le plus rapidement possible.

Bien qu’il se pratiquait avec son frère, comme plusieurs frangins à travers les générations, il était important pour Bertrand que son fils ne commence pas trop jeune.

« Je ne voulais pas qu’il comment trop tôt à prendre des chutes (bumps). Ce n’est pas la meilleure chose pour la croissance, croit Bertrand. Prendre des bumps à 16 ans devant personne, ce n’est pas ça qui va faire la différence en bout de ligne. Il n’y a pas d’urgence si tu veux en faire une carrière. Au lieu de prendre des bumps, il s’est mis à s’entraîner au gym pour avoir l’air d’un lutteur. »

Dès l’adolescence, Zak avait donc commencé à s’entraîner à la palestre, mais avec plus de sérieux que vers l’âge de 16 ans et demi.

« Je veux faire de la lutte professionnelle ma vie, mon métier, affirme Zak. Avoir un bon physique t’avantage, surtout si je pense à la WWE. Je fais 6 pieds et 200 livres. Je veux me rendre à 230 livres cet hiver. »

L’histoire n’est pas sans rappeler celle de Raymond Rougeau, alors que son père lui avait dit que s’il s’entrainait sérieusement dès l’âge de 14 ans, il aurait son premier match à 16 ans. Ou celle de Kevin Owens, qui savait déjà qu’il voulait devenir lutteur lorsqu’il a commencé à s’entraîner à l’age de 14 ans.

Pour Zak, l’attente fut plus longue.

Le 1er septembre 2018, un peu après ses 18 ans, il a débuté son entraînement comme lutteur au Torture Chamber de Rodney Kellman, mieux connu sous le nom de Dru Onyx.

« L’attente a vraiment été longue, raconte celui qui a célébré ses 21 ans le 16 août dernier. J’avais hâte de commencer. Je dis souvent que j’ai commencé à vivre quand j’ai commencé à faire de la lutte. »

La lutte est un sport-spectacle demandant. Il faut en manger nuit et jour afin d’espérer, un jour, en vivre. Pour Zak, ce n’est pas différent. Il va au gym, va à ses cours de lutte et regarde le plus de lutte qu’il peut.

Avec un horaire aussi chargé, qu’en est-il de ses études?

« Mon père aurait voulu que j’aie un plan B. Mais bon plan B était mon plan A. Je suis 100 000% sûr de ce que je veux devenir dans la vie, dit-il, avec aplomb. On a eu une grosse conversation et il a très bien compris. Quand il a vu comment sérieux j’étais, il n’a pas essayé de s’obstiner avec moi. Au contraire, il me pousse vers l’avant. »

Des propos corroborés par Bertrand.

« Il n’a jamais eu d’autres idées de carrière, explique son père. J’ai toujours su qu’il était sérieux. J’aurais aimé qu’il finisse son CÉGEP, pour se donner d’autres options, mais il a fallu que je réalise que ça le rendait malheureux. Je sais que ce n’est pas facile réussir dans ce milieu. Alors ce n’est pas évident de dire “vas-y et fais-en une carrière.” Mais il est à l’âge idéal pour foncer et prendre des risques. »

Protégé de Mike Bailey
Le père de Zak a d’ailleurs été une énorme source d’inspiration. Difficile de faire autrement quand ton père est impliqué dans le milieu depuis 30 ans. L’avantage d’avoir un père comme Bertrand Hébert, qui a la réputation d’être l’une des meilleures têtes de lutte que le Québec ait eues dans les 30 dernières années, c’est d’apprendre sur l’envers du décor de la lutte à un très jeune âge.

« Sans lui, je n’aurais jamais fait de lutte, dit Zak, sans hésiter une seule seconde. Il n’a jamais été lutteur, mais il apporte le côté histoire, psychologie, pas l’action dans l’arène, mais tout ce qui se trouve autour, tout le côté business de la lutte. Grâce à lui, j’ai le meilleur des deux mondes. J’en apprends autant avec mes entraînements qu’avec tout ce qu’il m’apprend lorsqu’on regarde de la lutte. »

Zak est demeuré à l’école de lutte d’Onyx jusqu’en mai 2020, avant de changer vers celle de l’International Wrestling Syndicate (IWS). Entraîné par le scripteur de l’organisation Andrew Stott (Shayne Hawke) et par l’un des meilleurs lutteurs québécois, Émile Baillargeon-Laberge, mieux connu sous le nom de Mike Bailey, c’est à l’IWS qu’il a eu ses premiers matchs d’entraînement.

Zak a affronté en entraîneur, Mike Bailey, à son tout premier combat  crédit photo: FML

Zak a affronté en entraîneur, Mike Bailey, à son tout premier combat crédit photo: FML

« Avec Dru, j’ai appris le positionnement, le conditionnement, le chain wrestling. Mais on avait des visions différentes pour la suite des choses. Ma base, c’est là que je l’ai apprise. Mais j’ai appris à lutter à l’IWS. C’est là que j’ai appris la structure de comment faire un match, le pourquoi et comment. »

Bailey l’a d’ailleurs pris sous son aile et lorsqu’est venu le temps pour Zak d’avoir son premier combat, c’est son entraîneur qui a eu l’honneur de l’affronter. Le match a eu lieu le 14 août dernier pour le compte de la Fédération Montérégienne de Lutte (FML), qui produisait un événement au camping Les Cèdres à St-Jean-sur-Richelieu.

« J’ai écrit à Cath (la lutteuse Kath Von Goth) et c’est Oz (Éric Ouimet, promoteur de la FML) qui m’a appelé. Il a proposé que je lutte contre Émile et ça s’est fait. »

Les deux avaient eu plusieurs combats à l’entraînement, alors le choix était judicieux.

Hommage à Pat Patterson
J’ai d’ailleurs assisté au combat et je dois avouer que Zak a été impressionnant. À son premier combat en carrière, il était déjà meilleur que plusieurs lutteurs qui avaient plus d’expérience et qui avaient lutté avant lui en début de carte. Outre son physique et son look, qui l’avantageaient énormément, il vendait bien et sa technique était très bonne. Plusieurs fans et lutteurs qui assistaient au spectacle n’en revenaient pas qu’il s’agissait de son premier combat devant une foule.

C’est sous le nom de Zak Patterson qu’Hébert a fait début.

Un nom qui n’est pas étranger aux amateurs de lutte de la Belle Province. Le Québécois Pat Patterson a eu une carrière exceptionnelle dans le monde de la lutte comme lutteur d’abord, puis comme bras droit de Vince McMahon à la WWE. Il est considéré comme l’un des rares génies dans ce milieu.

Quand on parle de Patterson, il est difficile de ne pas faire un lien avec les Hébert.

Zak a voulu rendre hommage à Pat Patterson en prenant son nom de famille

Zak a voulu rendre hommage à Pat Patterson en prenant son nom de famille

En effet, Bertrand a écrit la biographie de Patterson en sa compagnie, en plus d’avoir voyagé un peu partout dans le monde avec lui pour en faire la promotion. Dans les dernières années de sa vie, Hébert était l’une des personnes les plus près de Pat.

« Quand j’ai vu Matt Lee prendre le nom de Matt Martel à NXT, en référence à Rick Martel, c’est là que je me suis dit que ce serait une bonne idée, explique Zak. C’était un ami de mon père et on devait aller souper ensemble pour lui demander si c’était correct avec lui que je prenne son nom. Mais malheureusement, il est décédé avant qu’on ait eu la chance de le faire. Mon père m’a dit qu’il était sûr que Pat m’aurait donné sa bénédiction. Alors j’ai été de l’avant avec ça. Je suis très fier et très honoré de porter le nom Patterson. »

Un entraîneur content!
Un entraîneur demeure un entraîneur et son rôle est de corriger le moindre détail chez son poulain. Mike Bailey ne fait pas exception à la règle.

« Si ça avait été son 10e combat, j’aurais été déçu. Mais là, à son premier combat, il a coché toutes les cases, a dit Bailey tout de suite après le combat, remporté d’ailleurs par le jeune Hébert. Son timing était excellent, mais il n’a pas vendu pour la foule.

Toutefois, Bailey continue.

« Le coach est content! Zak est vraiment bon. On a fait une vingtaine de matchs sans public et à la lutte, l’aspect qui n’est pas remplaçable, c’est une foule. Il a besoin d’apprendre à interagir avec la foule. J’ai aussi hâte de voir l’aspect créativité de sa lutte quand il va commencer à lutter contre d’autres. Il pense toujours à la lutte et ce, depuis longtemps. Il pourrait devenir l’un des meilleurs selon moi. Sans direction, il pourrait rester uniquement au Québec. Ce qui est gros. Mais pour quelqu’un comme Zak, ce n’est pas assez. Avant son premier bump, ce n’était pas le Québec qu’il visait. Ma plus grande peur pour lui c’est la complaisance. »

Zak lui-même était satisfait de son combat.

« Je suis content, m’a-t-il dit quelques minutes après. Je devais être le cinquième combat, mais quand j’ai appris que les trois premiers combats étaient en fait juste un gros et long combat, la nervosité s’est mise de la partie. Je n’étais plus cinquième, j’étais troisième! Mais dès la première prise de contact (lock-up), la nervosité est partie. »

Évidemment, on ne vient pas d’une famille de lutte sans avoir l’appui de celle-ci.

Présents à l’événement étaient Bertrand, François, la mère de Zak, Josihanne, sa cousine Océane et son frère Jean-Krystophe, qui soit dit en passant, veut aussi devenir lutteur. À 16 ans, il mesure environ 6 pieds 3 et a toute une carrure déjà.

« C’est une journée assez excitante, confirme François. C’est un rêve qui se réalise pour lui et pour la famille. Ça fait longtemps qu’on en entendait parler, mais là c’est du concret. C’est vraiment un moment unique. »

Zak est sorti victorieux de son premier match face à l'un des meilleurs au Québec, Mike Bailey  crédit photo: FML

Zak est sorti victorieux de son premier match face à l’un des meilleurs au Québec, Mike Bailey crédit photo: FML

Pour Bertrand, le moment était tout aussi spécial.

« Je suis content et très fier. Il a mis le temps et les efforts nécessaires pour y arriver. On parle de lutte. On écoute 10h de lutte par semaine. La transmission de la passion continue. D’ailleurs, je suis sûr que son grand-père, décédé en 2018, aurait aimé ça être là. Il lui aurait dit “T’aurais du plus l’étouffer pour pas qui bouge!” C’était toujours son gag! »

Un horaire chargé

C’est bien connu, pour devenir un bon lutteur, tu dois lutter souvent et contre meilleur que toi.

Depuis son premier combat, Zak en a ajouté deux autres et un troisième aura lieu ce samedi, alors qu’il va affronter le champion Canadien de l’IWS, Kevin Blanchard, pour le titre, au MTelus, dans ce qui marquera le retour de la lutte professionnelle à Montréal depuis mars 2020. Il sera le seul élève de l’école à avoir un match en simple, un honneur bien mérité.

Puis, le 25 septembre prochain, pour la Beauharnois Championship Wrestling, dans son patelin, il va affronter l’un des meilleurs lutteurs québécois des 20 dernières années, un ami de la famille et une idole de Zak, nul autre que FTM (Franky the Mobster).

« Je lui ai donné son premier toutou. C’est juste pour te dire, me disait FTM, de son vrai nom Marc-André Boulanger. J’ai vu son premier match et j’ai trouvé que sa technique était excellente. Il a des choses à travailler, c’est normal, mais il a vraiment bien fait ça. On se parle souvent, on s’entraîne ensemble, je lui donne le plus de conseils possible, puis je vais continuer à le faire! »

Même son de cloche du côté de Zak, qui est très content de pouvoir compter sur Franky parmi ses alliés.

« C’est comme mon grand frère. Je vais chez lui, on parle de lutte, on regarde de la lutte, il m’oriente, me conseille, surtout sur les promos. Je sais que je peux toujours me fier à lui. »

Zak affrontera Kevin Blanchard au premier spectacle de lutte à Montréal depuis mars 2020, organisé par l'IWS

Zak affrontera Kevin Blanchard au premier spectacle de lutte à Montréal depuis mars 2020, organisé par l’IWS

Avoir autant d’opportunités en début de carrière n’est pas donné à tout le monde. Déjà, les journalistes américains et canadiens-anglais comme Dave Meltzer et John Pollock ont parlé de son premier match. Le commentateur de Raw à TVA Sports, Kevin Raphaël, en a partagé des séquences sur sa page Instagram, le Journal de Montréal va parler de lui dans son édition de samedi et plusieurs promotions au Québec regardent attentivement son évolution.

Il faut retourner jusqu’à Kevin Owens pour voir autant d’attention sur une recrue.

Cela pourrait même être problématique s’il n’était pas aussi bien entouré.

Entre Mike Bailey, FTM et sa famille, Hébert a tout ce qu’il a besoin afin de garder sa tête froide et garder les yeux sur son objectif.

Son père sera d’ailleurs présent ce samedi. Tout comme le 25 septembre.

« Mon père et ma famille ne pourront pas toujours être là. Et c’est normal. Lutter va devenir ma job », conclut Zak.

Une précision qui en dit long sur la force de caractère et la maturité de celui qui sera certainement à surveiller dans les prochaines années.

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