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11/10/2017 | Chroniques

Le Poing: Éric Denis, un lutteur respecté et apprécié de tous

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Éric Denis, alias Rick Ross, est décédé dimanche soir à l'âge de 40 ans   photo: Yan O'Cain

Éric Denis, alias Rick Ross, est décédé dimanche soir à l’âge de 40 ans photo: Yan O’Cain

Il y a des articles qui sont plus durs à écrire et d’autres qu’on souhaite ne jamais avoir à faire. Celui-ci réunit ces deux sentiments.

La communauté de la lutte québécoise est en deuil depuis dimanche soir, alors qu’un des nôtres est décédé, trop vite, beaucoup trop vite.

Éric Denis, 40 ans, également connu sous le nom de Rick Ross, est décédé de façon tragique le 8 octobre dernier lors d’un événement de l’ICW présenté dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal.

Alors qu’il affrontait Bulldozer dans un match faisant partie du tournoi des 24 heures (un événement annuel à l’ICW qui sert à amasser des fonds pour la maladie de Crohn), Éric s’est effondré dans l’arène et malgré les secours rapides, n’a jamais repris vie.

L’événement des 24 heures offre aux spectateurs plusieurs courts spectacles pendant un même week-end, soit le samedi et le dimanche de 18h à minuit. Éric avait lutté à cinq reprises le samedi, incluant une bataille royale et avait lutté un combat le dimanche lors du premier spectacle, un match triple menace face à Spoiler et Ronnie Jeremy. Un horaire habituel pour ceux et celles qui performent durant ce type de fin de semaine.

« Avant notre match, Éric m’avait dit qu’il avait mal à la tête, mal partout », relate Guy Gagné, alias Spoiler. Je lui ai donné deux Tylenol. On a su par la suite qu’il avait dit à sa conjointe avant de partir qu’il n’allait pas très bien. Elle lui avait suggérée de demeurer à la maison. Malgré tout, on a eu un super bon match. Quand il m’a couvert pour le tombé, il m’a remercié, une marque de respect que certains ont envers la personne qui les met over. »

Personne ne pouvait alors se douter que ce serait le dernier match complet d’Éric.

« Vers 19h, j’étais avec Éric et on regardait le match du Canadien sur son cellulaire, raconte le lutteur Steve Sauvé. Il m’a confié qu’il avait un point dans le dos depuis quelques semaines déjà, que ça partait et que ça revenait, mais quand il avait mal, il en avait le bras engourdi. Il pensait que c’était juste musculaire. Mais il voulait faire son prochain combat et s’en aller par la suite, il ne se sentait pas assez en forme pour rester toute la soirée. »

C’est même gonflé à bloc qu’Éric a débuté son combat face à Bulldozer, vers les 20h50.

« Il est parti en feu. Il a donné beaucoup de jus au début du combat, une grosse dose d’adrénaline », se souvient Gagné.

Sébastien Jacques, le scripteur en chef de l’ICW continue :

« Le match n’a duré que 30 ou 40 secondes. Il a donné deux chops (coups d’atémi) à Bulldozer. Bull lui en a donné une en retour. Il l’a projeté vers les câbles et rendu aux câbles, Éric s’est effondré sur le deuxième. »

L’idée que cela faisait partie du combat a rapidement été écartée par l’arbitre qui a aussitôt demandé de l’aide. Un bénévole, Sylvain Lalumière, de même que Gagné, Sauvé et Jacques ont accouru vers l’arène. Éric respirait encore à ce moment-là, mais la fréquence des respirations était trop longue et il avait un pouls filant, c’est-à-dire un pouls très faible, qu’on sent à peine.

Puis soudainement, son pouls a arrêté.

Bien que les services d’urgence avait déjà été appelés, ils ont été rappelés à nouveau étant donné le changement dans la condition d’Éric. Pendant que Jacques était au téléphone avec le personnel du 911, Gagné, un préposé à l’urgence de l’hôpital de Hawkesbury qui est appelé à faire des massages cardiaques depuis 10 ans, de même que Sauvé, se sont relayés afin de lui prodiguer un massage cardiaque et tenter de ravoir un pouls.

À l’intérieur d’une dizaine de minutes, les premiers répondants sont arrivés à la salle et ont pris la relève. Pendant ce temps, l’équipe de l’ICW a fait évacuer les amateurs présents et ont amené les enfants du personnel et des lutteurs en arrière-scène pour qu’ils n’aient pas à assister à cette scène assez violente. Le père d’Éric, Réginald, sa conjointe, Jessika et son meilleur ami et partenaire d’équipe, Jean, ont tous été appelés également.

Puis, après presqu’une heure de massage cardiaque, les secouristes ont finalement eu un pouls. Ils ont aussitôt mis Éric sur des machines, mais c’était trop peu trop tard. Ils avaient déjà perdu le pouls. Ils l’ont tout de même mis à bord d’une ambulance en direction de l’Institut de Cardiologie de Montréal, situé au coin des rues Viau et Bélanger, à quelques kilomètres de la salle.

« Quand il est parti, il n’avait plus de pouls, confirme Gagné. J’étais en colère parce que dans mon métier j’ai déjà réanimé des inconnus et là je n’ai pas été capable de sauver la vie d’un chum. On s’est battu pour le réanimer, mais comme on dit dans mon métier, c’est le gars en haut qui décide. »

Les versions diffèrent, mais entre une et trois heures après avoir quitté la salle, la direction de l’ICW recevait le coup de fil qu’elle redoutait : Éric était officiellement décédé.

« On n’avait plus la notion du temps, affirme Sauvé. Dix minutes nous semblaient comme une heure. Une heure comme trois. »

« Tout a été fait de la bonne façon. Les gars sont intervenus à temps, les ambulanciers ont été appelés à temps. Il n’y a rien qui aurait pu être mieux fait », ajoute le coordonnateur de l’ICW, Danny Kidman.

Étant donné les circonstances, une enquête et une autopsie devront être effectuées afin de connaître les raisons derrières ce qui semble être un arrêt cardiaque. Mais tous s’entendent pour dire que la lutte n’a rien à y voir.

« De par mon expérience, je pense qu’il aurait pu jouer au basket-ball que ça lui serait arrivé quand même. Ce n’est pas à cause de la lutte ou d’un coup qu’il a eu. C’est probablement l’effort physique déployé dans l’arène qui l’a mené à sa fin », explique Gagné.

« Stéphane (Bulldozer) a regardé avec nous le visionnement de la scène et son coup d’atémi était bien placé, rien d’irrégulier », confirme Kidman.

Selon tous les témoignages obtenus, la drogue ne serait pas du tout en lien avec son tragique destin.

« Il fumait du pot de temps en temps car ça l’aidait avec son anxiété. Mais c’est tout. Il ne prenait pas de speed, de cocaïne, de stéroïdes, même pas des boissons énergisantes. Du Pepsi et de l’eau », raconte Sauvé.

Danny Kidman abonde dans le même sens.

« Lors d’une soirée récemment, il a fallu lui torde un bras pour qu’il prenne une bière. »

Joint alors que toute l’équipe de l’ICW s’était réunie lundi soir afin de vivre ce chagrin en famille, le promoteur Ludger Proulx vit très difficilement ce choc.

« Je suis à terre, confit Proulx, qui connaissait Éric depuis qu’il était tout petit. C’est la pire journée de ma carrière de promoteur. Je voulais tout fermer dimanche soir. »

Si toute cette histoire semble tragique, elle le devient encore plus lorsqu’on apprend que le fils aîné d’Éric, Maxim, âgé de 14 ans, a assisté à la scène, impuissant, alors qu’il était assis à la table de l’annonceur lorsque son père s’est écroulé.

Une carrière de plus de 20 ans
Né le 3 avril 1977, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, Éric a grandi dans le milieu de la lutte professionnelle. Son oncle avait lutté dans les années 80 pour Lutte Internationale et aux Loisirs St-Jean-Baptiste sous le nom de Black Diamond. Son père, Réginald Denis, jouait le rôle du gérant du lutteur Mr. USA à l’ICW dans les années 90. Il n’y avait donc rien de surprenant lorsqu’Éric a décidé de prendre des cours de lutte à l’ICW en 1996, alors qu’il n’était âgé que de 18 ans.

« C’était un amoureux de la lutte, il en mangeait », témoigne Kidman, qui était le voisin d’Éric depuis quelques mois. Il était d’ailleurs courant de le croiser dans un événement de lutte, même lorsqu’il n’y performait pas.

C’est donc en 1996, mais à la WFI, qu’il a fait ses débuts sous le nom de Rick Ross.

« En avril 1996 à la WFI, j’ai eu mon premier match à vie, un match par équipe contre Éric et un autre lutteur », se souvient François L’Espérance, mieux connu sous le nom de Scream. Ce dernier deviendra quelques années plus tard le partenaire régulier de Danny Desbois, fils du regretté arbitre Adrien Desbois. La NWF de Maurice Dame, le beau-frère de Scream, est l’une des premières promotions pour laquelle Éric a lutté. C’est d’ailleurs à la NWF qu’il a fait la rencontre de Jean Laurence. Ce dernier, luttant sous le nom de Spiky, commencera à faire équipe avec Éric et les deux prendront le nom d’équipe de Crime Inc.

« Ils ont commencé pour moi en 2000, se souvient Michel Piché, le promoteur de la WTA à Pointe St-Charles. Ils connaissaient Johnny Kruger et c’est lui qui les avaient amenés. Les deux étaient de bons lutteurs, acrobatiques et agiles. »

Avec les années, Laurence est devenu plus qu’un partenaire. Il est devenu le meilleur ami d’Éric, presqu’un frère. Il est d’ailleurs le parrain de Maxim.

« Ils se chicanaient des fois, mais ça ne durait jamais longtemps. Comme des vrais frères finalement. D’ailleurs, ils se ressemblaient tellement physiquement qu’on pensait qu’ils étaient vraiment des frères », se souvient Piché.

Même si sa carrière de lutteur n’aura pas été internationale, il aura tout de même lutté un peu partout au Québec : WFI, NWF, WTA, FLQ, CTW, NCW, NWC, MWF, CRW, ICW et j’en passe. Je me souviens que lorsque j’ai fait mes débuts à la FLQ comme gérant en octobre 2001, Éric y luttait déjà.

« Je l’avais vu lutter à la NWF et je l’avais invité à venir lutter à la FLQ. Je capotais sur son moonsault, se rappelle Carl Leduc, le promoteur de la FLQ pour qui Éric a lutté pendant de nombreuses années. Il respectait tout le monde backstage et s’assurait que les promoteurs étaient toujours contents de sa performance. »

À la CTW, promotion qui n’existe plus aujourd’hui, mais qui était basée dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, lui et Jean avaient d’ailleurs aidé le promoteur Stéphane Cairo à s’établir lorsque ce dernier a commencé ses activités.

Leur gabarit (Éric faisait 5 pieds 11 et 160 livres; Jean, 5 pieds 11et 170 livres) et leur style leur permettaient d’affronter autant des lutteurs de même taille que des poids lourds. Peu importe la promotion, ils arrivaient à connecter avec la foule et surtout, gagner la confiance des promoteurs. C’est pourquoi ils ont été champions par équipe de plusieurs promotions : CTW, NCW, NWC et ICW pour n’en nommer que quelques-unes.

« Partout où ils passaient, les gars ramassaient les titres par équipe, explique Kidman. D’ailleurs, on a réalisé qu’Éric était l’un des trois seuls lutteurs dans l’histoire de l’ICW à avoir remporté tous les titres de la promotion, un exploit que seuls Ludger Proulx et Shawn Richards ont réussi à faire. »

Dans les dernières années, la NWC et l’ICW étaient les deux promotions principales pour lesquelles Éric luttait. Il lui arrivait de faire des allers-retours entre les deux. D’ailleurs, tout récemment, son partenaire Jean avait décidé de retourner à la NWC, alors qu’Éric avait pris la décision de demeurer avec l’ICW. Les plus grands antagonistes de Crime Inc. auront certes été Thunder of Destruction, Spike et Bad Boy Joly, alors que leur rivalité à la NWC se sera étalée sur plusieurs années. Contrairement à ce qu’ils faisaient ailleurs, à l’ICW, ils luttaient sous leur vrai nom et avaient francisé leur nom d’équipe devenant ainsi Le Crime.

En 2010, ils avaient terminé 6e dans la catégorie de la meilleure équipe au Québec selon les prix de Lutte.com. En 2011, ils s’étaient classés 11e.

Amateur de hockey et père au foyer, il avait eu deux filles au tournant de l’année 2000 de sa première union. Puis en 2002, il fait la rencontre de Jessika Collard, avec qui il aura quatre enfants : Mickaël, 8 ans; Loïck, 7 ans; Jordan, 5 ans; et Maxim. Sa mère était décédée en 2011.

Un gars gentil et respectueux
Il y a un mois environ, lorsqu’est sortie la nouvelle que je serais l’un des animateurs de la WWE à TVA Sports, Éric avait écrit un message, message que j’ai relu lundi.

Félicitations à notre historien de la lutte québécoise Pat Laprade pour son poste aux commandes de l’animation de la WWE a TVA Sports. Lâche pas très fier de toi.

Un message super gentil, sans attente, qui le caractérisait particulièrement. Il était très respectueux, calme, posé, et ce peu importe où je le croisais, que ce soit dans un vestiaire de lutte ou dans la rue, mes parents habitant le même quartier que lui.

D’ailleurs, les témoignages fusent de partout sur les réseaux sociaux depuis l’annonce de son décès. De lutteurs qui ont eu la chance d’être ses amis à ceux qui ne l’ont croisé que dans les vestiaires, de diverses promotions de lutte, qu’il y ait lutté ou pas, à de nombreux amateurs qui l’ont vu à l’œuvre à travers les années, le monde de la lutte au Québec lui a rendu un vibrant hommage. Le respect et sa gentillesse sont les deux qualités dont les gens parlent le plus. Mais rarement un lutteur fait l’unanimité comme ça, surtout lorsque tu as été dans cette industrie pendant si longtemps.

« C’était un gentleman », résume Gagné.

Même Kevin Owens, un lutteur qu’Éric appréciait énormément, le lendemain de son match face à Shane McMahon à Hell in a Cell, a pris la peine d’écrire un message sur sa page Facebook.

Je viens d’apprendre le décès d’Éric Denis hier soir pendant un gala de lutte à Montréal.

Je ne connaissais pas Éric personnellement, mais les quelque fois où j’ai eu la chance de le côtoyer, il me semblait comme un très bon gars et après avoir lu tous les témoignages que les gens partagent à son sujet, c’était évidemment bien le cas.

Mes condoléances à sa famille et tous ses amis. Bon courage.

La lutte professionnelle est souvent vue comme une grande famille. Elle n’a pas de frontières. Elle n’a pas de langue. Mais c’est aussi un monde où les guerres de clochers sont fréquentes. Le décès d’Éric aura permis à toute la lutte québécoise, le temps d’un instant, d’être unis en pensées, en chagrin et en pleurs.

À l’image d’Éric, notre deuil se sera déroulé dans le respect.

-En mon nom et celui de Lutte.Quebec, je tiens à souhaiter à son père, sa conjointe, ses enfants, sa famille et ses amis nos plus sincères condoléances et tout le courage nécessaire dans cette dure épreuve.

-Un spectacle hommage présenté par l’ICW aura lieu samedi prochain le 14 octobre au 1550 rue Joliette à Montréal. Les profits de la soirée iront à la famille d’Éric. Un autre organisé par la WTA aura lieu le samedi suivant, soit le 21.

-Je tiens à remercier tous ceux qui ont pris la peine de me parler d’Éric et des événements de dimanche dernier dans ces moments difficiles.

Resto-Bar
Cette chronique est une présentation du Resto-Bar Coin du Métro. Le Resto-Bar Coin du Métro, 10 719 Lajeunesse, l’endroit par excellence pour tous les événements sportifs tels que le hockey, le soccer, la boxe, la lutte et le football à Montréal! Vous pouvez aussi consulter leur page Facebook.

Bonne lutte à tous et à toutes!

Si vous avez des questions, des suggestions ou des commentaires, n’hésitez pas à communiquer avec moi au patric_laprade@lutte.quebec, sur ma page Facebook ou sur mon compte Twitter.

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