Avec l’élection de Trump la semaine dernière, j’ai déterré mes films post-apocalyptiques ou dystopiques, question de bien me préparer. La meilleure partie de cette aventure, c’est que plusieurs de ces films peuvent compter sur des lutteurs pour compléter leur distribution. Cette semaine, toujours un plaisir de retrouver ce bon vieux Jesse The Body Ventura! Ici, nous nous intéresserons au Jeu du Défi, version française de The Running Man, film de 1987, d’après le roman éponyme de Stephen King.
The Body, ancien gouverneur du Minnesota, je vous en ai déjà parlé il y a une éternité dans ma 5e chronique, pour le film Abraxas : Gardien de l’Univers. Il a aussi été question de lui et Mean Gene dans le drôlatique Y’a-t-il un Exorciste? J’ai une étrange fascination pour la carrière cinématographique (et l’œuvre entière) de Ventura, cet ancien Marine devenu lutteur, puis acteur, ensuite gouverneur indépendant du Minnesota (faisant une très bonne job au passage!), maintenant écrivain et emblème médiatique du Libertarianisme et des théories du complot. Je vous réserve des surprises par rapport à Ventura…
Une des choses que je ne comprends pas avec Jesse, c’est comment se fait-il que sa carrière au cinéma n’a pas levé plus que ça?! Il est excellent devant la caméra, contient un pourcentage élevé de charisme et a les meilleurs amis possibles à l’époque, jouant avec Schwarzenegger à deux reprises.
Schwarzenegger, alors à son apogée hollywoodienne, tient le rôle de Ben Richards, un soldat avec une conscience qui décide de se retourner contre son gouvernement fasciste qui garde la masse endormie grâce à la télévision. Ce qui rajoute aux charmes du scénario, c’est que le film se déroule en 2017.
Pour punir Richards, le producteur télé Killian (genre de Vince McMahon de l’ultra-violence) le fera participer au jeu de télé-réalité mortel appelé « The Running Man », où les gens parient et s’amusent devant le massacre de prisonniers dans des environnements contrôlés par des tueurs avec des gimmicks, les Stalkers. Il y a l’homme électrique, l’homme de feu, l’homme de la glace (joué par le lutteur Professor Toru Tanaka, acteur dans plus de 50 films, qui aura droit à sa propre chronique plus tôt que tard!) et l’homme avec des scies mécaniques.
Il est intéressant de noter que le producteur est joué par Richard Dawson, légendaire animateur de l’émission Family Feud (la guerre des clans), qui était apparemment assez similaire à son personnage dans la vraie vie. Ventura, lui, tient le rôle d’un ancien Stalker, le meilleur, dont la gimmick était d’être un lutteur top-shape qui a maintenant sa propre émission de mise en forme, mais qui rêve de revenir pour un dernier défi. C’est essentiellement le même booking que la rivalité entre Steve Austin et Vince McMahon, où Arnold est humilié et martyrisé par le boss. Puis, Schwarzie va contre-attaquer de toute sa badasserie, démolir tous les jobbers et éventuellement se retrouver seul avec le boss dans l’équivalent d’un steel cage. Un booking très satisfaisant.
Là j’en entends certains lire ça et dire à leur chat : « Ça me semble être un bon film, mais ça ressemble à The Hunger Games ». Oui, effectivement, le film a inspiré Hunger Games. Mais mieux que ça, il semble que pour 1987, Running Man est même arrivé AVANT le concept de la télé-réalité en général, et aurait même inspiré la terriblement populaire émission American Gladiators, qui est elle responsable de tant d’émissions de défis physiques extrêmes, dont le Broken Skull Challenge de Steve Austin. Bien sûr, la lutte, les jeux télévisés et les gladiateurs existaient déjà, en plus de nombreux romans basés sur une dystopie gouvernementale qui « élimine » la population à problème et la culture (Farenheit 451, Logan’s Run, Soylent Green, Animal Farm, 1984), mais de combiner tout ça avec un combat à mort de prisonniers politiques pour le plaisir d’un public qui consomme la mort des autres en direct pour des cotes d’écoute et des commandites de compagnies de liqueurs, c’est un sous-genre tout à fait nouveau. Hunger Games n’est d’ailleurs pas la seule variation sur le thème connu de Running Man. On peut penser à la trilogie des Course à la Mort, ou même des films comme Battle Royale ou The Condemned avec Stone Cold.
Running Man vieillit très bien 30 ans plus tard, et maintenant que nos voisins ont élu une vedette de télé-réalité qui n’est pas connue pour calmement régler ses conflits dans le secret, c’est tout à fait logique de trouver qu’à part pour les coupes de cheveux et les graphiques par ordinateur, Running Man n’a pas pris une ride. Certains moments font d’ailleurs une critique acerbe du pouvoir médiatique, si efficacement, qu’on croirait que ça a été écrit la semaine dernière.
Du côté du réalisateur, Paul Michael Glaser, c’était un tâcheron à numéro venu du milieu de la télévision (ironie), réalisant quelques épisodes de Starsky & Hutch et Miami Vice. De ce que j’ai cru comprendre, il était le 4e ou 5e choix du producteur Rob Cohen (une légende de Hollywood). Glaser ne s’entendait pas bien avec Arnold, qui était habitué de travailler avec de vrais réalisateurs de films d’action, comme James Cameron, où tout est méticuleusement planifié, alors que Glaser fonctionnait au rythme de la télé, où tout va incroyablement rapidement avec très peu d’attention aux détails. Est-ce qu’un Mark Lester (Commando) ou un John McTiernan (Predator) aurait fait une meilleure job? Ou est-ce que l’apport d’un réalisateur télé pour raconter un film se déroulant comme une émission de télé lui donne cette authenticité qui le fait si bien vieillir? Beaucoup trop de questions qui m’empêchent de dormir la nuit. Glaser aura par la suite réalisé d’autres émissions de télé, ainsi que Kazaam, mettant en vedette The Shaq. Le scénario, d’après le roman de Stephen King, a été écrit par le réalisateur du film Street Fighter avec Van Damme. Tant de gens à blâmer pour tant de choses!
Musicalement parlant, c’est un chef d’œuvre. Le meilleur de la musique électronique funky des années 80 est là, signé Harold Faltermeyer (pensez Le flic de Beverly Hills). Personnellement je pourrais écouter ça en boucle, sans dialogue ou effet sonore. Juste la piste musicale. Du bonbon fluo avec une moustache.
Je vous recommande The Running Man, belle pièce d’anthologie des années Regan/Bush du film d’action violent à grands déploiements. De plus, son rare DVD en édition spéciale vient avec deux documentaires intéressants, un sur l’état de la surveillance gouvernementale depuis le 11 septembre 2001 et un sur l’impact culturel de la télé-réalité de nos jours, à savoir si une émission comme The Running Man pourra effectivement exister dans un futur rapproché.